La montée des prix de l'essence peut-elle relancer le mouvement des gilets jaunes?

Une manifestation de Gilets jaunes (photo d'illustration) - Martin BUREAU / AFP
"L'essence, ça va baisser." Certes, lorsque Emmanuel Macron a pris cet engagement en décembre 2018, c'était face à un auditoire principalement constitué d'enfants. Étant donné le contexte de l'époque, à savoir le mouvement des gilets jaunes et son cortège de violences, il paraissait toutefois normal que le chef de l'État défende cet objectif, intimement lié à la question du pouvoir d'achat des Français.
L'interdépendance entre Occidentaux et Moyen-Orient dans le secteur énergétique risque de mettre à mal la promesse présidentielle. Le bombardement de deux sites majeurs de Saudi Aramco, le numéro un mondial de la production pétrolière, a immédiatement déclenché une flambée des prix de l'essence.
"Le président se doit de réagir"
Résultat, en France, le collectif des Gilets jaunes citoyens réclame ce mardi un "gel immédiat" des prix des carburants. Il a lancé une pétition de soutien à son initiative, dont la finalité serait d'atténuer les effets collatéraux d'une guerre qui se joue à plusieurs milliers de kilomètres. De quoi se rappeler au bon souvenir du gouvernement qui, un an auparavant, avait augmenté de son propre chef une taxe sur l'essence. Avec la suite que l'on connaît.
Rappelant que "le mouvement des gilets jaunes fait suite à la hausse des prix du carburant de 2018", le collectif cofondé par Thierry Paul Valette estime dans un communiqué que "dans un contexte social compliqué, Emmanuel Macron ne doit surtout pas laisser la situation se compliquer" alors que "la flambée des cours (...) va provoquer une forte hausse des prix à la pompe de près de 5 centimes".
"Le président se doit de réagir très rapidement", poursuit le collectif. "Nous demandons donc le gel immédiat des prix du carburant. Nous ne devons surtout pas être les otages de cette flambée des prix".
Enracinement du mouvement?
Si les mêmes effets sont produits par des causes en apparence différentes, les conséquences, elles, pourraient être tout aussi désagréables pour l'exécutif.
"Comme le mouvement avait été déclenché sur une question de prix des carburants, il est tout à fait possible qu'une hausse importante des prix à la pompe déclenche à nouveau une mobilisation tant que des mesures plus significatives n'auront pas été prises pour maintenir ces prix ou les faire baisser", estime le sociologue Jean-François Amadieu, interrogé par BFMTV.
Le danger qui guette Emmanuel Macron et Édouard Philippe, au-delà de l'aspect difficilement contrôlable des cours mondiaux du pétrole, est l'enracinement du mouvement des gilets jaunes. Quand bien même celui-ci s'est considérablement estompé depuis le printemps, du moins sur le plan de sa visibilité médiatique. Gérard Noiriel, auteur d'une Histoire populaire de la France, s'est exprimé sur notre plateau à ce sujet:
"Il y a toujours un décalage entre le sentiment de l'expérience vécue des gens qui sont dans les classes défavorisées et les solutions qui sont abordées ponctuellement ou économiquement. (...) Il y a des phénomènes de coagulation autour de revendications précises, comme ça peut être le cas du carburant, mais qui en fait (ont une signification) beaucoup plus large."
Augmentation de "4 ou 5 centimes"
La flambée des cours du pétrole à la suite de l'attaque d'installations en Arabie saoudite, qui a entraîné une réduction de moitié de sa production et fait craindre une escalade militaire avec l'Iran, risque de se traduire par une hausse rapide des prix à la pompe, estiment certains professionnels, même si beaucoup d'inconnues demeurent dans un contexte très volatil.
Le président de l'Union française des industries pétrolières (Ufip), Francis Duseux, a estimé lundi qu'il fallait "s'attendre assez rapidement à une augmentation de l'ordre de 4 ou 5 centimes" du prix du litre.