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Société

L'alcool, "grand absent" du Grenelle des violences conjugales

Des manifestantes tiennent des pancartes portant les noms des femmes victimes de féminicides en 2019 durant un die-in place de la République, le 19 octobre 2019

Des manifestantes tiennent des pancartes portant les noms des femmes victimes de féminicides en 2019 durant un die-in place de la République, le 19 octobre 2019 - Dominique Faget / AFP

Dans deux lettres ouvertes adressées au gouvernement, des proches de malades alcooliques et des addictologues dénoncent l'absence de mesures de prévention et de prise en charge de l'alcoolisme et des addictions, dans la lutte contre les violences conjugales.

L'alcool est "le grand absent" du Grenelle contre les violences conjugales, déplorent des proches de malades alcooliques, du collectif CoPMA, et des spécialistes de l'addiction, qui réclament des mesures de prévention et de prise en charge dans deux lettres ouvertes au gouvernement.

"L'alcool est un facteur causal majeur de violences envers les femmes", soulignent ces tribunes, adressées à la ministre de la Santé, Agnès Buzyn et à la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, et rendues publiques ce lundi dans Le Figaro Santé

L'alcool, facteur "massif" et "évitable" des violences

L'analyse des morts violentes au sein du couple survenues en 2018 et plus particulièrement des 121 féminicides, publiée par la délégation d'aide aux victimes, montre que dans 55% des cas au moins l'un des deux, auteur ou victime, est sous l'emprise d'une substance (alcool, stupéfiants, etc.).

L'alcool altère les capacités d'autocontrôle, accroît l'impulsivité, l'agressivité et diminue également les capacités de défenses des victimes, notent les signataires. Ils citent une étude qui a montré d'après les journaux tenus pendant quinze mois par des femmes ayant déjà subi des violences que le risque d'agression physique était multiplié par huit les jours où l'homme buvait et par onze le risque d'agression grave.

"Chez les femmes vivant en couple avec un consommateur dépendant le risque de subir des violences est trois fois plus important que dans la population générale", explique l'un des signataires, le Pr Michel Reynaud, président du Fonds Actions Addictions sur la base d'une synthèse d'études portant sur 80.000 personnes. S'il n'est pas le seul facteur en cause impliqué dans ces souffrances et ces drames, c'est un élément très fréquent, "massif", et "surtout évitable" sur lesquels les pouvoirs publics peuvent agir, ajoute-t-il.

Associations et spécialistes demandent des actions

Les associations réclament l'application d'une obligation de soins par la justice, un plan de soutien aux proches aidants de malades alcooliques ainsi qu'une campagne nationale d'information sur les répercussions de la maladie alcoolique sur l'entourage.

La création d'un registre des violences liées à l'alcool et aux psychotropes (avec leurs dosages systématiques) et l'analyse précise du rôle de ces consommations dans les féminicides sont préconisées pour mieux cerner l'ampleur du phénomène. Les spécialistes demandent en outre le renforcement d'actions contre l'abus d'alcool qui ont fait leurs preuves. Par exemple, en Australie, une réduction de une heure et trente minutes d'ouverture des bars le soir a diminué de plus d'un tiers les violences de toutes sortes, relève le Pr Laurent Bègue, expert psycho-sociologue.

J. G. avec AFP