Jihad: 625 candidats au départ détectés grâce au numéro vert

Les candidats au jihad cherchent à rejoindre l'Irak ou la Syrie. - AFP
Elle avait 14 ans, aimait la musique classique et s'est "radicalisée" sans rien laisser paraître. Sa famille a appelé la plateforme de signalement de potentiels candidats au jihad. Au total, 625 cas ont été détectés en six mois. Un bilan "Positif, mais perfectible, pour Pierre N’Gahane. Ce préfet dirige le Comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD) chargé de la mise en place du numéro vert. La plateforme répond à une commande du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, pour "comprendre, détecter et apporter une réponse publique" au phénomène.
En moins d'une semaine fin avril, se souvient le préfet, il a fallu monter une plateforme de signalement sur Internet et un numéro vert (08.00.00.56.96) à destination de familles ou de proches constatant que leurs enfants étaient "en rupture" et pouvaient à tout moment partir combattre en Syrie ou en Irak, auprès de groupes jihadistes.
Sur les 625 cas avérés, quelque 55% des personnes concernées ne sont pas "de culture arabo-musulmane", un quart sont des mineurs, 44% des filles. Cent personnes étaient déjà parties lors du signalement.
Un tri grâce à des détails précis
Au comité interministériel, on explique que la "dimension préventive n'existait pas en France", contrairement à d'autres voisins d'Europe comme le Danemark. "Nous sommes dans la détection passive", précise aujourd'hui Pierre N'Gahane, pour "faire en sorte que les gens viennent à nous".
Au téléphone, un psychologue et six réservistes de la police, spécialistes de l'antiterrorisme, se relaient. Ils trient les cas avec des indicateurs précis: untel ne mange plus, est en détresse amoureuse ou en rupture familiale. "Il faut agir vite", dit-on au CIPD, "c'est là où nous avons le plus de mal".
"Les entretiens durent une heure, les gens qui nous appellent tombent du placard", soutient-on de même source. Les candidats au jihad, "si on leur racontait l'histoire du sunnisme, ils ne comprendraient rien. C'est un peu comme une secte, il sont manipulés et les jeux vidéo genre 'Call of Duty' entrent pour une part dans leur basculement".
Des structures actives en préfecture
Pour les cas non transmis aux services spécialisés, il existe des "cellules de suivi" à l'échelon départemental "pour les sortir de la radicalité" et les "raccompagner socialement". Vingt-sept préfectures ont ainsi une "structure active" comprenant préfet, procureur, éducateurs, psychologues voire responsables de lieux de culte.
Parallèlement, des modules de formation sont organisés pour les personnels concernés: 450 ont été sensibilisés jusqu'à présent aux filières jihadistes, au cadre juridique ou aux dérives sectaires. "Nous sommes sur un principe de volontariat, beaucoup sont victimes", dit encore Pierre N'Gahane. "Nous avons des exemples de réussite", ajoute le préfet, évoquant une trentaine de cas où "on les amène à se reconstruire". Maintenant, "il faut affiner le dispositif et le cadrer scientifiquement", résume le préfet N'Gahane, pour qui les candidats jihadistes "n'ont rien à voir avec ceux qui partaient pour l'Afghanistan".