"J'ai quelque peu honte pour notre pays": le président de la LDH inquiet pour "les libertés publiques"

L'avocat français Patrick Baudouin à Paris le 22 juillet 2019. - JOEL SAGET / AFP
"Je suis à la fois blessé et révolté". Patrick Baudouin, président de la Ligue des droits de l'homme, dénonce auprès du Monde des "propos très graves" de la part d'Élisabeth Borne. La Première ministre a dit ce mercredi "ne plus comprendre certaines prises de position" de la LDH.
"On espérait qu'Elisabeth Borne recadrerait son ministre dans un sens plus républicain, et plus respectueux de la liberté associative", ajoute Patrick Baudouin.
Le président de la LDH fait référence aux déclarations de Gérald Darmanin qui avait affirmé que "la subvention donnée par l'État" à la LDH "mérite d'être regardée dans le cadre des actions qui ont pu être menées".
Orban, Nétanyahou, Poutine...
"Dans la mesure où la Ligue des droits de l’homme reçoit des subventions publiques, elle est l’objet de contrôles, en particulier de la Cour des comptes, et nos finances sont transparentes", concède Patrick Baudouin. Toutefois, il s'inquiète de la perspective que "l'octroi de subventions se trouvera apprécié par le regard que l’Etat portera sur nos actions."
"C'est exactement ce que font Viktor Orban, Benyamin Nétanyahou ou Vladimir Poutine. Cela voudrait dire qu’on va vous accorder des subventions si votre comportement va dans le sens du pouvoir", dénonce-t-il.
Selon lui, "au-delà de la seule LDH, c’est la liberté associative qui est en jeu."
"La LDH a visé très juste avec Sainte-Soline"
La LDH est notamment pointée du doigt de par sa présence en tant qu'observatrice lors des opérations de maintien de l'ordre. "On a largement constaté, documenté et contesté le recours à des méthodes de répression policière violente, un retour à des violences disproportionnées comme au moment des gilets jaunes", explique Patrick Baudouin.
Sur le dossier inflammable des violences à Sainte-Soline, le président de la LDH dénonce "des violences inouïes de la part des black blocs contre les gendarmes". "C'est pleinement condamnable, c’est de la délinquance", complète-t-il.
"Puis, il y a eu l'utilisation par les forces de l'ordre d'une violence tout aussi inouïe à l'encontre des manifestants", poursuit-il.
"J’estime que la LDH a visé très juste avec Sainte-Soline", Patrick Baudouin, accusant le gouvernement d'avoir cherché "une sorte de bouc émissaire"
Des "ambiguïtés face à l'islam radical"?
Élisabeth Borne a également évoqué les "ambiguïtés" de la LDH "face à l'islam radical". "Les valeurs défendues par la LDH, la liberté, l’égalité, la dignité de la personne, la fraternité vont totalement à l’encontre de ce que véhicule l’islamisme radical", se défend Patrick Baudouin.
Il dénonce toutefois "une contre-vérité absolue qui est inacceptable" de la part de la Première ministre. "Nous souhaitons que les poursuites se fassent dans le respect du droit", explique-t-il.
"Il y a, à l’évidence, une montée de l’islamophobie", poursuit-il.
"Honte" pour la France
Patrick Baudouin assume "le fait d’être un contre-pouvoir, parce que tout pouvoir comporte sa part d’ombre en ce qui concerne le respect des droits et libertés". "Mais hormis la période de l'Occupation, nous n’avons jamais été attaqués aussi frontalement par un gouvernement", dénonce-t-il.
"Les libertés publiques en France sont en péril".
"J'ai quelque peu honte pour notre pays, qui glisse progressivement vers les régimes illibéraux", poursuit-il assurant que la LDH est "une amie de l'État de droit" dont "les trois quarts des actions sont des succès judiciaires".