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Guyancourt: un handicapé coincé dans son logement depuis 2 ans

Jean-Christophe, vendredi dernier dans son lit, où il passe la majeure partie de son temps.

Jean-Christophe, vendredi dernier dans son lit, où il passe la majeure partie de son temps. - Crédits photo : nom de l'auteur / SOURCE

Jean-Christophe Bellotti, 42 ans, vit avec sa femme et sa fille dans un logement social à Guyancourt. Problème: il ne peut ni en sortir, ni accéder à la salle de bains et aux toilettes, et sa demande de relogement traîne. BFMTV.com a rencontré un homme à bout de forces.

Mise à jour le 21/03 à 16h00: Depuis la publication de notre article mardi, Jean-Christophe Bellotti n'a pas eu de nouvelles de la mairie concernant la nouvelle proposition de logement. Il a cependant rencontré différents médias, qui se sont intéressés à l'affaire.

La semaine dernière, les rues de Guyancourt, ville fleurie des Yvelines aux allures de grand village, étaient baignées de soleil. Mais cette sensation de chaleur sur la peau, Jean-Christophe Bellotti, handicapé moteur depuis un accident en 2006, ne l'a pas ressentie depuis très longtemps. Ancien photographe de presse, âgé d'à peine 42 ans, il vit parqué dans une partie de son 3 pièces, au troisième étage sans ascenseur.

Il ne sort que quelques fois par an, quand des ambulanciers ou des amis viennent le porter dans les escaliers en pierre de son immeuble HLM, au prix de douleurs atroces. Mais il y a pire: à cause du fauteuil roulant qu'il est obligé d'utiliser depuis 2012, il ne peut accéder ni à ses toilettes ni à sa salle de bains. Pour se maintenir propre, il utilise une bassine, dans la cuisine. La dernière véritable douche qu'il a prise remonte "au 8 septembre dernier" quand il avait passé quelques semaines chez ses parents, se souvient-il, le regard bleu plongé dans le vide, le visage mangé par sa barbe.

Jean-Christophe, dans son salon, où il aime bricoler.
Jean-Christophe, dans son salon, où il aime bricoler. © Crédits photo : nom de l'auteur / SOURCE

Sa femme et sa fille de 19 ans vivent là également et prennent soin de lui avec amour. Mais Jean-Christophe, derrière son humour grinçant, est à bout de nerfs. "Je passe la majeure partie de mon temps seul, dans mon lit, avec la télévision et Internet. Parfois, je fais l'effort, malgré les douleurs, de m'asseoir dans le fauteuil et d'aller dans le séjour bricoler un peu. Mais à quoi bon?", nous lâche-t-il, désœuvré, allongé dans la chambre sombre où il nous reçoit.

Des logements à chaque fois inadaptés

Il existe pourtant une solution: déménager dans un appartement adapté à son handicap, dû à une maladie orpheline déclenchée par une chute dans des escaliers en 2006. Cette pathologie déminéralise ses os petit à petit et l'empêche aujourd'hui de marcher. Ce relogement, qu'il a demandé dès 2011 auprès de la mairie socialiste de Guyancourt, se fait toujours attendre.

Quand il a monté son dossier, le couple Bellotti était endetté. L'absence de revenus de Jean-Christophe, l'allocation adulte handicapé pas versée pendant plusieurs mois, la perte d'emploi de sa femme, et des mauvais choix de crédits les ont conduits dans le mur. Résultat, les premiers mois, aucun bailleur social n'a accepté de les reloger.

Mais dès octobre 2012, grâce à un geste de la Banque de France, leurs dettes ont été effacées. Depuis, il y a bien eu quelques propositions d'appartements F3. Elles se sont soldées à chaque fois par un refus de sa part, pour la simple raison que les dimensions de ses fauteuils électrique et manuel, pourtant inférieures aux normes standard, ne lui permettaient jamais d'y circuler correctement. Alors sur les réseaux sociaux, l'homme se lâche et accuse la mairie de l'abandonner à son sort. "Dois-je crever pour que ma situation change?", écrivait-il le 10 mars sur son compte Facebook.

"M. Bellotti a un toit, lui!"

Pour la directrice de la communication et le directeur des services de la ville de Guyancourt, rencontrés par BFMTV.com, l'affaire est pliée: les refus successifs d'appartements et les messages postés sur Internet seraient la preuve de la "mauvaise foi" de Jean-Christophe, et de sa "mauvaise volonté".

"On le traite comme tous les autres citoyens, mais vous savez, nous avons chaque année plus de mille demandes de logements sociaux en attente", nous explique Daniel Seguin-Cadiche, le directeur des services de la ville. "Nos immeubles HLM sont tous bas et souvent sans ascenseur. Ceci augmente également la difficulté de lui trouver un logement. On fait ce qu'on peut." Quand on lui rapporte le quotidien de Jean-Christophe et l'urgence de la situation, le maire-adjoint fait mine de compatir, mais ne peut s'empêcher de lâcher quelques soupirs d'exaspération. "Vous savez, j'ai des habitants qui vivent dans leur voiture! M. Bellotti a un toit, lui!"

Selon les chiffres fournis par la mairie, la ville de Guyancourt dispose de 5.146 logements sociaux. En 2013, 43 relogements ont pu être effectués. C'est peu, mais la préfecture et la communauté d'agglomération disposent également d'un contingent. Le directeur de cabinet de la préfecture n'a pas pu être joint pour le moment.

Un mail de menaces très intrigant

A quelques jours du premier tour des municipales, l'affaire est sensible. "Forcément, on ne peut que s'émouvoir de cette situation. Sur le papier, l'histoire est terrible", reconnaît la directrice de la communication de Guyancourt, Anne-Caroline Poincaré, soucieuse d'arrondir les angles. D'autant qu'une autre épine dans le pied est venue s'ajouter au dossier: fin janvier, Jean-Christophe a reçu un mail de menaces, envoyé depuis une adresse similaire à celles des services de la mairie: "aaa@ville-guyancourt.fr".

"Vous n'aurez jamais ce logement social adapté sur la ville, et ce ne sont pas vos messages qui vont nous faire peur. [...] Notre maire est indétrônable (il est à la tête de la ville depuis 2002 et a obtenu 73% des voix lors des dernières élections, ndlr) et ne quittera son poste que le jour où il le décidera."

Ce courrier électronique émane d'une personne qui connaît visiblement très bien le dossier. Après l'avoir reçu, Jean-Christophe a porté plainte contre X le 5 février dernier. Et début mars, lorsque la mairie a été informée de l'existence de ce mail par BFMTV.com, elle a immédiatement porté plainte également. "C'est un mail scandaleux, et on prendra des décisions en conséquence dès que l'enquête de la police aboutira", assure-t-on, mal à l'aise.

En attendant les résultats de cette enquête, les choses semblent évoluer ces derniers jours. Jeudi dernier, la mairie a fait visiter à l'épouse de Jean-Christophe un appartement bientôt vacant d'un bailleur social, en rez-de-chaussée. Pour le moment, impossible pour lui d'y vivre: l'encadrement de la porte des toilettes est trop petit pour son fauteuil, la baignoire n'est pas adaptée, tout comme la porte d'entrée de l'immeuble. L'endroit nécessite des travaux. Jean-Christophe n'attend donc qu'une chose pour dire oui: que le bailleur social accepte de faire ces travaux. Joint par BFMTV.com, le bailleur découvre l'histoire: "Nous n'avons pas encore reçu de candidature. Quand la mairie nous contactera officiellement, nous examinerons avec plaisir le dossier. Il nous arrive régulièrement de devoir faire ce type de travaux pour les personnes à mobilité réduite". Affaire à suivre.

Alexandra Gonzalez