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Faut-il vraiment manger trois repas par jour?

Des clients dans un bouchon lyonnais le 23 octobre 2020 (photo d'illustration)

Des clients dans un bouchon lyonnais le 23 octobre 2020 (photo d'illustration) - Philippe Desmazes

Peut-on fractionner ses repas en multipliant les collations ou au contraire faut-il en réduire le nombre? Les avis divergent.

Avec substitut de repas, hyperprotéiné ou au contraire végétarien, régime 5/2 (cinq jours d'alimentation normale sur un modèle méditerranéen, deux jours de restrictions), cétogène, hypocalorique, ou chrononutrition, il existe sans doute autant de régimes que de manières de se nourrir.

Si certains prônent le jeûne séquentiel - également appelé jeûne intermittent qui consiste à ne pas manger durant seize heures en profitant de la nuit - d'autres recommandent de fractionner les repas avec plusieurs collations dans la journée. Alors que se tient ce jeudi la journée internationale sans régime, deux spécialistes de l'alimentation se penchent sur la sacro-sainte règle des trois repas par jour.

Un "bon compromis"

Une règle qui ferait sens, estime Laurence Plumey, auteure de Comment maigrir heureux quand on n'aime ni le sport ni les légumes. Selon cette médecin nutritionniste, ce modèle alimentaire communément admis présenterait plusieurs avantages. Le premier serait d'offrir "un bon compromis" pour répondre à la sensation de faim. "L'estomac se vide en trois à quatre heures, donc on a faim à peu près toutes les quatre à cinq heures", explique-t-elle à BFMTV.com. Mais ce principe de trois repas quotidiens serait également avantageux du point de vue nutritionnel.

"Avec trois repas par jour, on augmente ses chances de couvrir tous ses besoins nutritionnels, pointe-t-elle encore. Si on raisonne souvent en terme de calories, en réalité, il faut aussi prendre en compte les protéines, lipides, minéraux, vitamines, fibres dont nous avons besoin et que les repas vont nous apporter."

Diminuer le nombre de repas augmenterait donc le risque de carences, selon Laurence Plumey. C'est pour cela qu'elle n'approuve pas le principe d'en réduire le nombre et de se priver de l'un de ces repas. "S'il s'agit de sauter le petit-déjeuner, il faut impérativement compenser l'apport en fruit et en produit laitier lors des autres repas. Il ne faut pas oublier qu'il doit être complet et équilibré, le petit-déjeuner étant censé couvrir 20% de nos besoins nutritionnels de la journée." Quant à sauter le dîner, cela lui paraît difficile à long terme.

"Il faut supporter la sensation de faim et puis cela implique aussi de ne pas partager ce moment en famille, à moins d'être seul. Le dîner, c'est tout de même un moment de récompense après la journée. Si l'objectif est de perdre du poids, moi je fais maigrir mes patients tout en mangeant varié et à leur faim. Peut-être pas à un rythme de 4 kilos par mois, mais au moins de manière durable et sans frustration."

Une collation dans l'après-midi

Si cette médecin nutritionnsite se dit favorable à la prise d'une collation dans l'après-midi - "c'est tout à fait normal d'avoir un petit creux autour de 16 heures ou 17 heures" - et recommande d'associer un fruit à une belle poignée d'amandes, ou du fromage blanc ou encore deux biscuits, elle se montre en revanche méfiante vis-à-vis des repas fractionnés et de la multiplication de ces collations.

"Grignoter dans la matinée, puis remanger après le déjeuner et encore après le dîner, il faut faire attention. Car quand on ne consomme pas de vrai repas, le risque est d'être rapidement attiré par des produits trop gras et trop sucrés plutôt que par des fruits et des légumes. Sans compter que l'appareil digestif est constamment sollicité et en travail, ce qui n'est pas bon, notamment pour le pancréas et la sécrétion d'insuline."

Pour Laurence Plumey, fondatrice d'EPM Nutrition, École de nutrition et de napso-thérapie, le fractionnement des repas ne peut ainsi s'adresser qu'à un public averti ou aux personnes ayant subi une chirurgie digestive. Et maintient que le modèle des trois repas quotidiens serait bel et bien "le plus adapté pour rester en forme et en bonne santé".

"On peut toujours contester cette régularité, mais l'expérience montre que plus les gens mangent de façon anarchique ou sautent des repas, plus ils s’exposent à la fatigue, aux carences et aux problèmes de santé. Il faut vraiment être formé à la nutrition pour savoir compenser. C'est tellement plus facile de manger régulièrement."

Une norme culturelle

Ce n'est pas le point de vue d'Anthony Berthou, nutritionniste spécialisé en micronutrition et expert en nutrition sportive, co-auteur du Guide Yuka de l'alimentation saine, pour qui ce modèle des trois repas par jour relève avant tout de la croyance.

"Cela correspond à une norme sociale et cultuelle, assure-t-il à BFMTV.com. Mais cela n'a aucun fondement scientifique. Ce qui compte, en réalité, c'est que la prise alimentaire se déroule sur un temps restreint."

Il évoque ainsi le modèle 16/8: des repas pris sur une durée totale de huit heures entre la première et la dernière prise alimentaire, suivis de seize heures de jeûne. "Deux, trois ou quatre repas peuvent tout à fait contenir une quantité d'aliments et une qualité nutritionnelle suffisantes. La qualité de l'alimentation ne dépend pas du nombre de repas." Un modèle qui serait, selon lui, bien plus profitable pour la santé.

"Une période de quinze à seize heures de jeûne initie un processus métabolique qui permet de limiter le surpoids et le diabète. Mais les bienfaits sont aussi systémiques, notamment sur la sécrétion d'hormones, la régulation de l'insuline, le contrôle de l'inflammation, et permettent de se resynchroniser sur un rythme biologique plus cohérent avec nos besoins."

Les bienfaits du jeûne

Plusieurs études scientifiques ont en effet montré les bienfaits du jeûne, certaines pointant la libération de molécules antioxydantes, d'autres une amélioration du métabolisme.

Dans l'idéal, Anthony Berthou recommande ainsi d'entamer la prise de repas dès le réveil pour l'achever en milieu ou en fin d'après-midi. Mais il reconnaît que ce modèle reste difficile à concilier avec la vie moderne et les journées à rallonge.

"S'il est préférable que la période de prise alimentaire se déroule en première partie de journée, on y trouve tout de même un bénéfice en seconde partie, qui est plus compatbile avec notre rythme et nos habitudes de vie."

Reste que tout cela ne serait valable qu'accompagné d'une pédagogie alimentaire. "Jeûner seize heures pour ensuite prendre un jus de fruit, des tartines de pain blanc avec de la confiture ou des céréales soufflées au petit-déjeuner qui font grimper la glycémie et augmenter la sécrétion d'insuline, puis prendre une soupe le soir sans protéines, ça n'a pas de sens."

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV