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Crèches: les professionnels s'inquiètent de la possibilité d'embaucher du personnel non-diplômé

Image d'illustration - Des enfants dans une crèche

Image d'illustration - Des enfants dans une crèche - Jean-Pierre Muller - AFP

Des professionnels des milieux éducatifs et médico-social mais aussi des personnes sans qualification dans ces domaines, pourront à la rentrée exercer dans les crèches afin de pallier le manque de candidats dans le secteur.

Un arrêté publié le 4 août au Journal Officiel inquiète le secteur de la petite enfance. Pour pallier la pénurie de professionnels dans ce domaine, il étend à d'autres diplômes des secteurs éducatif ou médico-social, la possibilité d'exercer en crèche. Ces personnes pourront donc, dès le 31 août, "travailler en crèche alors qu'ils n'ont pas été formés pour cette tranche d'âge-là", déplore auprès de BFMTV.com Cyrille Godfroy, co-secrétaire général du SNPPE (Syndicat National des Professionnels de la Petite Enfance).

On peut venir du médico-social, être compétent dans son domaine "mais ne pas avoir de connaissances sur la petite enfance", ajoute-t-il, "c'est quand même une prise en charge des familles au quotidien". Il se demande dans le même temps comment certains secteurs pourraient assurer ces remplacements en crèche alors "qu'on manque déjà d'instituteurs partout en France".

D'autre part, "à titre exceptionnel, dans un contexte local de pénurie de professionnels", il sera aussi possible d'exercer sans diplôme dans ces domaines, explique l'arrêté.

"L'absence totale de reconnaissance de nos métiers"

C'est cette partie qui semble la plus inquiétante pour Cyrille Godfroy, la potentielle embauche de personnes qui ne seraient pas forcément formées ni diplômées dans le médico-social ou l'éducatif. D'après l'article 3 de l'arrêté, pour exercer il faut "cent vingt heures d'exercice professionnel", et "après la 120e heure effective dans l'établissement, [le professionnel] peut travailler hors de la présence des professionnels qui l'ont accompagné dans son parcours d'intégration."

"Ces mesures illustrent encore et toujours l’absence totale de reconnaissance de nos métiers et des formations qu’il faut valider pour travailler en crèche", écrit dans un communiqué jeudi dernier la SNPPE. Et même s'il est précisé qu'il s'agit d'une mesure "à titre exceptionnel", "trop souvent les mesures 'à titre exceptionnel' deviennent ensuite des mesures permanentes", écrit le syndicat.

Cyrille Godfroy souligne ainsi que pour exercer en crèche, il est nécessaire d'avoir fait au moins une année d'étude de la petite enfance, et le diplôme d'État d'éducateur de jeunes enfants est reconnu comme un Bac+3. Cet arrêté dévalorise pour lui son parcours et ses acquis, comme si "n'importe qui" pouvait prendre sa place après 120 heures de formation. Il pointe également du doigt les risques de mettre dans les crèches des personnes pas assez formées.

"Pendant mes trois années, je n'ai pas rien fait" déclare également à FranceInfo Jérôme Dumortier, directeur de la crèche 'Les Souriceaux', à Villeneuve-d'Ascq (Nord), expliquant avoir appris "des choses qui sont indispensables pour accompagner un enfant dans son quotidien, dans une structure petite enfance".

Ouvrir plus de places en formation et revaloriser les salaires

Cyrille Godfroy critique également le fait que des personnels en sous-effectifs, et donc déjà surchargés de travail, vont devoir en plus faire un travail de formation avec une personne pouvant s'avérer novice dans le domaine.

D'après une enquête de la CNAF (Caisse nationale d’allocations familiales) publiée début juillet, la pénurie de professionnels est toutefois importante: "48,6% des crèches collectives déclarent un manque de personnel auprès d’enfants" est-il expliqué, et "8908 postes auprès d’enfants sont déclarés durablement vacants ou non remplacés à la date du 1er avril 2022, soit entre 6,5% et 8,6% de l’effectif total de professionnel auprès d’enfants".

Alors comment résoudre cette pénurie ? Pour Cyrille Godfroy, il faut déjà mettre les moyens dans les formations pour la petite enfance, pour ouvrir plus de places, mais aussi revaloriser les salaires de ces professionnels, qui, contrairement à d'autres secteurs, n'ont pas bénéficié de revalorisation salariale. Cela rendrait pour lui le métier plus attrayant.

Difficile de prédire les résultats de cet arrêté à la rentrée, "ce sera du cas par cas", explique le co-secrétaire général de la SNPPE. Mais avec l'état actuel des pénuries, "il y a une crainte pour nous, avec la surcharge de travail à venir, mais aussi pour les familles" qui pourraient voir les amplitudes horaires de leurs crèches se restreindre, et des places en crèche fermer.

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV