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Société

Drones et vie privée: l'envol des caméras indiscrètes

Un drône utilisé par la SNCF, près du viaduque de Roquemaure, à Orange.

Un drône utilisé par la SNCF, près du viaduque de Roquemaure, à Orange. - Boris Horvat - AFP

L'essor des vidéos personnelles réalisées avec des drones représente une menace pour le respect de la vie privée en dépit d'une réglementation très restrictive sur l'usage de ces engins volants miniatures, de plus en plus abordables.

La terre vue du ciel, c'est joli. Mais avec la démocratisation des drones, se pose la question du respect de la vie privée des zones et personnes survolées.

"Les drones sont devenus accessibles financièrement et à côté des modèles professionnels (dont certains atteignent 30.000 euros) existent des modèles plus proches du jouet que l'on peut s'offrir moyennant quelques dizaines d'euros", a expliqué à l'AFP Isabelle Vanneste Hello, secrétaire général de la Fédération professionnelle du drone civil (FPDC).

La mode des "dronies", les selfies aériens

Du coup, le nombre des vidéos personnelles "vues du ciel" a explosé sur internet avec comme dernière tendance les "dronies", équivalent aérien des "selfies", ces autoportraits pris avec un téléphone portable... et un brin de narcissisme.

Le principe? L'appareil vous filme d'abord en gros plan avant de prendre son envol et faire un plan large sur le décor dans lequel vous vous trouvez.

Du militaire au civil 

Longtemps utilisés à des fins militaires, les drones ont investi le champ civil et leurs usages se sont vite diversifiés: surveillance de manifestations, contrôle d'ouvrages d'art, de cultures agricoles, tournages de reportages d'information et aujourd'hui vidéos personnelles.

Or, ces dernières "posent des problèmes de respect de la vie privée, de droit à l'image, de libertés individuelles et nécessitent donc des autorisations spéciales", souligne Isabelle Vanneste Hello. Car les drones peuvent potentiellement capter une multitude de données personnelles: visages, déplacements, plaques d'immatriculation...

Du jardin du voisin au feu d'artifice

"Si sympathiques soient-ils, les vidéos personnelles ou les dronies donnent lieu à des dérives de la part d'amateurs qui, à partir d'images réalisées dans leur jardin, s'éloignent pour aller filmer celui du voisin, un feu d'artifice ou encore effectuer un vol de nuit", témoigne Sabri Ben Hassen, directeur de Drone 06, société niçoise spécialisée dans les prises vues aériennes.

"Certains amateurs vont même jusqu'à proposer leurs services gratuitement pour photographier votre villa dans l'espoir de se faire une place dans le milieu et ensuite de commercialiser leur travail", s'agace-t-il. Des débordements qui, outre les atteintes à la vie privée, font redouter aux professionnels l'accident grave, comme la chute d'un drone sur un passant, qui pourrait entraîner le durcissement d'une réglementation déjà sévère en France, pays pionnier en la matière.

400 euros pour Nancy vue du ciel

Plusieurs affaires impliquant des drones utilisés par des particuliers sont déjà arrivées devant les tribunaux. Cas emblématique: celui d'un jeune pilote de 18 ans auteur d'une vidéo au-dessus de Nancy sans autorisation et condamné en mai dernier à 400 euros d'amende pour mise en danger de la vie d'autrui et non respect de la réglementation aérienne.

Diffusée sur YouTube, la vidéo avait comptabilisé près de 400.000 vues en quelques jours avant d'être retirée. "Aucun fabricant ne mentionne le cadre légal ni les risques potentiels des drones", déplore Isabelle Vanneste Hello. Une lacune que la FPDC s'efforce de combler en militant pour que des informations sur la législation et des mises en garde soient inscrites sur les notices d'utilisation des drones.

Selon la fédération professionnelle, la France compte actuellement une trentaine de constructeurs et environ 700 exploitants autorisés à faire voler des drones au-dessus de nos têtes.

rappel à la loi

La loi est claire: l'utilisateur d'un drone, dès lors qu'il est équipé d'un matériel de prises de vues, doit avoir au préalable obtenu une autorisation auprès de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC). Mais la captation et l'enregistrement d'images relatives aux personnes relèvent aussi de la loi Informatique et Libertés.

La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a engagé une réflexion sur le sujet afin que "les innovations puissent se faire dans un cadre juridique et éthique clair et rassurant". L'objectif étant de prévenir les abus.

Marc Pédeau avec AFP