Droit à manifester: que dit la loi?

Figure du mouvement des gilets jaunes, Éric Drouet, déjà placé sous contrôle judiciaire le 23 décembre dernier, a été interpellé mercredi soir, alors qu'il participait à un rassemblement non autorisé par la préfecture. Le représentant controversé, avait appelé un peu plus tôt mercredi à une "rencontre en gilets jaunes" sur sa page Facebook, "la France en colère". Mais ce rendez-vous, destiné "à choquer l'opinion publique" n'avait pas été déclaré. Pourtant, la loi est très stricte en matière de manifestation.
Qu’est ce que le droit à manifester?
Contrairement au droit de grève, la liberté de manifester n’est pas inscrite dans la Constitution. Ce droit est garanti symboliquement par son inscription dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. “C’est une forme de liberté d’expression” précise Michel Lascombe, professeur de droit constitutionnel à l’IEP de Lille. L’article 10 de la DDHC souligne: “Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi”.
Car le droit à manifester repose effectivement sur quelques règles, et parmi elles, l’obligation de déclarer la manifestation aux autorités. “Il faut que les autorités soient prévenues en amont, afin qu’elles puissent prendre toutes les mesures nécessaires pour que la manifestation se déroule de manière non violente”, explique Michel Lascombe à BFMTV.com.
“Pour garantir la liberté il faut prévenir qu’on va exercer cette liberté”, complète le juriste.
Ce droit à manifester est également prévu implicitement par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme. “Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts”, dit l’article.
Comment prévoir une manifestation?
- Les manifestations sur la voie publique, cortèges, défilés ou rassemblements, doivent faire l’objet d’une déclaration trois jours à l’avance, en préfecture ou en mairie. Exception à Paris, où il faut que la déclaration soit faite deux mois à l’avance (trois mois en cas de foule importante). Des demandes tardives peuvent être acceptées, lorsqu’un événement d’envergure nationale le justifie. Ça a notamment été le cas pour la marche du 11 janvier, en hommage à Charlie Hebdo.
Pour organiser un tel événement, il faut au moins trois organisateurs, responsables en cas de problème. Il faut aussi indiquer le but de la manifestation, la date, l’heure, le lieu et l’itinéraire. “Si vous avez un service d’ordre au sein de votre cortège, il faut aussi le préciser aux autorités”, précise Michel Lascombe.
Décision des autorités
Après examen du dossier, les préfectures ou mairies peuvent tout à fait accepter la manifestation telle quelle. Mais même si les autorités compétentes ne s’opposent pas à la mobilisation, elles peuvent toutefois exiger des modifications quant aux choix du lieu, du parcours ou des horaires.
Enfin, une manifestation peut être interdite via un arrêté, si les autorités estiment qu’elle présente des risques de “troubles graves à l’ordre public”, selon l’article L211-3 du code de la sécurité intérieure. Cela peut être le cas s’il y a déjà eu des affrontements avec les forces de l’ordre lors d’une précédente manifestation par exemple.
Quels sont les risques à autoriser une manifestation sans autorisation?
Plusieurs sanctions sont possibles dans ce cas. L’article 431-9 du code pénal prévoit une peine de six mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende. Mais ces peines ne peuvent s’appliquer qu’aux organisateurs. Du point de vue de la loi, la manifestation prévue par Éric Drouet mercredi soir n'était donc pas légale.