Calais: contre les intrusions de migrants, Eurotunnel inonde ses terrains

Logo Eurotunnel à Coquelles, le 20 octobre 2015. - Philippe Huguen - AFP
Accusée l’été dernier de ne pas avoir fait les efforts nécessaires pour sécuriser son site, la société Eurotunnel change de stratégie. Pour empêcher les tentatives d’intrusion de migrants cherchant à passer au Royaume-Uni, le groupe européen concessionnaire du tunnel sous la Manche inonde volontairement ses terrains, affirme La Voix du Nord ce mercredi.
Et Eurotunnel assume.
"Le terminal, surélevé, est construit sur une zone marécageuse", explique un porte-parole interrogé par le quotidien. "Depuis la construction du site, un système de drainage avec des watergangs (des canaux de drainage, Ndlr) existe. On utilise ce réseau pour créer des obstacles naturels qui empêchent l’accès aux clôtures."
Renforcement du dispositif anti-intrusion
Depuis décembre, au lieu-dit de la Belle-Hélène - là où avaient eu lieu les tentatives d'intrusion massives de l’été dernier avec jusqu’à 2.000 migrants - à la sortie de Calais, la végétation auparavant abondante autour du terminal Eurotunnel a été remplacée par deux lacs formés par le détournement des eaux pluviales. Les fossés bordant les barrières haute-sécurité du terminal ont été élargis, si bien qu’avec l’eau, ils ont désormais des airs de douves, explique le journal local.
"Ces lacs ont été créés en réorientant les flux, que nous contrôlons grâce aux écluses", confirme le groupe.
Contrôles infrarouges ou par ondes millimétriques passives, clôtures électrifiées, scanners… Pour renforcer la sécurité de son site, Eurotunnel muscle son dispositif anti-intrusion. En septembre, 103 hectares de végétation ont été rasés, notamment à Coquelles, Fréthun et Guînes, afin de faciliter la surveillance et de supprimer la possibilité pour les migrants de se cacher. Mais ce n’est pas tout: d’après La Voix du Nord, la société devrait bientôt planter des haies défensives, avec des épines.
Trafic perturbé, pertes d'exploitation... Et des morts
Malgré une très forte présence policière et une sécurisation accrue des abords de l'enceinte, les tentatives désespérées d'intrusion sur le site de 650 hectares d'Eurotunnel de centaines de migrants souhaitant rejoindre la Grande-Bretagne se sont multipliées ces derniers mois.
La dernière perturbation importante du trafic des trains de marchandises et des navettes de ferroutage avait eu lieu dans la nuit du 21 au 22 octobre. Le trafic avait été inexistant à la suite de quelque 600 intrusions de migrants sur le site. Un pic à 1.700 intrusions avait été atteint le 3 août. Depuis le début de juin, 18 migrants sont morts dans la région en essayant de rallier l’Angleterre.
En juillet, dans une lettre au président d’Eurotunnel, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, avait accusé le groupe de n'avoir pas fait les efforts nécessaires face à "l'aggravation de la situation" entraînée par l'afflux massif de migrants. Quelques jours plus tôt, la société avait pour sa part demandé une indemnisation de 9,7 millions d'euros aux gouvernements français et britannique pour compenser ses dépenses et pertes d'exploitation liées à l'afflux de migrants.
A Calais, entre 4.000 et 7.000 migrants, venant principalement d'Afrique de l'Est, du Moyen-Orient et d'Afghanistan, vivent dans le bidonville surnommé la "Jungle" jouxtant la rocade portuaire, dans des conditions très précaires.