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Société

"C'est une présence rassurante": quand des étudiants optent pour une colocation chez des seniors

Une propriétaire et sa locataire au sein d'un habitat intergénérationnel (Image d'Illustration)

Une propriétaire et sa locataire au sein d'un habitat intergénérationnel (Image d'Illustration) - Association Ensemble 2 Générations

Avec un parc de logements de moins en moins accessibles aux jeunes, l'habitat intergénérationnel est parfois une solution pour trouver un toit dans les métropoles françaises. Des étudiants et jeunes actifs optent alors pour des locations de chambres chez des personnes âgées.

En sept ans, Maryse, une octogénaire habitant un appartement à Villers-Lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle) a accueilli chez elle six jeunes, essentiellement des étudiants. "Mon mari est décédé, j'ai perdu toutes mes amies et la famille est loin alors j'offre deux chambres pour avoir une présence", résume cette ancienne ergothérapeute qui se déplace en fauteuil roulant.

Avec la rentrée universitaire, de très nombreux étudiants éprouvent encore des difficultés à trouver un logement. Quand une chambre du Crous, un appartement du parc privé ou une colocation sont inaccessibles, il reste des alternatives comme la cohabitation intergénérationnelle.

Le logement de Maryse a été réaménagé pour que la dame âgée puisse vivre au rez-de-chaussée. Ce mercredi, un étudiant japonais a pris possession de la chambre située au sous-sol. "Un espace qu'occupait mon fils lorsqu'il était étudiant et voulait être autonome", précise-t-elle. Dans la chambre située au premier étage vit Delphine, 26 ans, qui est devenue son "aide de vie".

300 euros et trois heures de présence

"Je cherchais un logement en urgence alors que je suivais une formation et un conseiller de ma mission locale m'a parlé de ce dispositif. J'ai un diplôme d'aide à la personne j'ai vu que je pouvais aider", nous explique la jeune femme installée depuis novembre dernier.

C'est le groupe associatif SOS Seniors qui fait l'intermédiaire et qui dresse un contrat fixant des règles. Delphine, qui paye 300 euros pour sa chambre doit en contrepartie passer une heure le matin, une heure le midi et une heure le soir avec sa logeuse.

Maryse aimerait que sa locataire soit un peu plus présente. "En dehors des horaires fixés par son contrat je la vois peu, j'aimerais qu'elle descende passer un peu plus de temps".

La jeune femme assure au contraire s'investir. "Nous jouons à des jeux de société, je fais la conversation".

"Il me fait me sentir mieux"

Nicole, 88 ans, va vivre une nouvelle année dans son appartement de Sèvres (Hauts-de-Seine) avec Pierre, un jeune homme qui va entrer au Conservatoire national. Le mari de la propriétaire, atteint de la maladie d'Alzheimer, ne voulait pas entrer en maison de retraite.

Sa femme s'est tournée vers l'association Ensemble 2 Générations. "Je leur ai demandé un musicien parce que je voulais qu'il joue avec mon mari qui a beaucoup pratiqué le violon en amateur. Entre temps, mon mari a fait son entrée en Ehpad après une chute. Il lui rend visite une fois par semaine, ça lui fait beaucoup de bien".

Le jeune musicien ne paye pas de loyer. Un contrat fixe quelques règles de bonnes pratiques et des engagements. "Ce n'est pas facile pour moi de vivre la maladie de mon mari, Pierre me fait me sentir mieux grâce à son humour, sa fantaisie, mes voisines me disent que je suis bien tombée et qu'elles regrettent de ne pas avoir une chambre à louer".

"C'est devenu mon porte-bonheur"

Pour Roumaissa, 25 ans, une étudiante algérienne arrivée en France en novembre 2023, la cohabitation intergénérationnelle a été un facteur de stabilité et d'intégration. "Comme de nombreux étudiants étrangers, j'avais des problèmes de visa, je faisais une rentrée tardive et j'avais des difficultés à trouver un appartement en région parisienne. J'avais peur de rater mon année scolaire", se remémore-t-elle.

Sur les conseils d'une responsable de formation, elle contacte l'antenne locale d'Ensemble 2 Générations qui va la mettre en relation avec une famille d'accueil. "Je me suis retrouvée dans une belle maison bourgeoise à Versailles (Yvelines) chez une dame âgée très gentille, ouverte sur le monde. C'était très confortable, je payais un petit loyer puis son état de santé a commencé à se dégrader, elle a été mise en maison de retraite, c'était triste".

L'étudiante s'alarme et reprend contact avec l'association qui n'est pas obligée de retrouver un logement au bénéficiaire. Elle a toutefois réussi à mettre Roumaissa en contact avec une autre famille et s'est retrouvée dans un appartement à Chatou (Yvelines) auprès d'une dame atteinte de la maladie d'Alzheimer.

"J'ai toujours vécu avec ma grand-mère dans mon village en Algérie. Nous nous sommes tout de suite bien entendues. La famille m'a invité à passer les vacances ensemble puis m'a proposé un nouveau contrat pour me payer en me disant qu''ils savaient qu'elle était en sécurité avec moi".

La jeune femme se consacre à l'écriture d'un roman autobiographique dans le cadre de son master à l'université de Nanterre. "Quand je suis en train de travailler, ma mamie, comme je l'appelle affectueusement me demande si ça va, si j'ai mangé. Elle m'apporte une chaleur familiale. C'est devenu mon porte-bonheur".

Un mode de vie qui peut se prolonger

Dans la plupart des cas, les jeunes ne restent guère plus qu'une année d'étude puis tâchent de trouver d'autres solutions mais cette solution s'inscrit parfois dans le temps lorsque le parc locatif privé ou social reste hors de portée. Ainsi, Cova, guide-conférencière âgée de 28 ans originaire de Grenoble arrivée à Paris pour ses études en 2016, vit toujours en cohabitation intergénérationnelle.

"Je cherchais une solution de logement peu coûteuse qui rassurerait aussi mes proches. Aujourd'hui, mon métier ne me permet pas de pouvoir louer un appartement", relate-t-elle.

Elle a vécu une année dans le 15e arrondissement, puis deux mois dans le 17e arrondissement chez une personne qui a eu un accident. La jeune active a ensuite trouvé un peu de stabilité chez une dame pendant presque six ans.

"En ce moment, je vis chez un couple de nonagénaires à Saint-Cloud dans une chambre de bonne", explique-t-elle. En contrepartie d'une participation aux charges de 150 euros par mois, elle accorde du temps notamment à l'époux atteint de troubles cognitifs. Elle se sert de son métier pour lui faire des mini-conférences.

Florent Bascoul