Quand les scientifiques font appel à des cambrioleurs pour les étudier

Une étude a été menée pour analyser le comportement des cambrioleurs (illustration) - Paul Sellgman – Flickr - CC
Quand on a quelques minutes à peine pour dévaliser une maison, comment réfléchit-on? Que fait en premier lieu un professionnel du cambriolage? Des chercheurs britanniques en psychologie cognitive ont fait appel, non sans difficultés, à des cambrioleurs afin d'étudier leurs stratégies, et publié le résultat de leurs travaux ce jeudi, comme l'a repéré le blog Passeur de sciences.
En étudiant les processus mis en place par des cambrioleurs et en les observant dans des situations réalistes, cette étude pourrait permettre de prévenir certains délits.
Une étude difficile à mettre en place
Dans un premier temps, les scientifiques ont tenté de recruter des malfrats, ou "experts", par l'intermédiaire de petites annonces. Mais, sans surprise, ils n'ont pas rencontré le succès avec cette initiative et ont dû faire appel à des associations spécialisées dans la réinsertion des délinquants. Six hommes âgés de 25 à 33 ans, cambrioleurs de leur aveu, qui avaient au moins cinq ans d'expérience - soit plusieurs centaines de cambriolages à leur actif chacun, ont été recrutés. Pour établir une comparaison, 6 étudiants lambda sans expérience dans le domaine du cambriolage, âgés de 22 et 28 ans, ont participé aussi à l'expérience.
Deuxième difficulté: trouver des propriétaires volontaires pour prêter leurs maisons avec un étage. Mission impossible, c'est la police qui a dû venir au secours des chercheurs en leur prêtant une maison témoin équipée d'un studio d'enregistrement. C'est là que les psychologues ont réparti les objets de valeur comme dans un logement normal. Une maison "virtuelle" a aussi été créée par ordinateur afin d'observer le comportement des sujets dans d'autres conditions.
Experts et novices: des comportements très différents
Les vrais et les faux voleurs ont ensuite été "lâchés" dans la maison à tour de rôle avec une caméra fixée sur la tête qui enregistre leurs faits et gestes. Les "experts" optimisent immédiatement leur temps: ils se concentrent sur certaines pièces qu'ils identifient comme rentables, plutôt les pièces du bas que les salles de bain par exemple, et ils y passent 58% de leur temps. Ils prennent moins d'objets, mais qui ont plus de valeur. Ces derniers empruntent toujours le même chemin, ils pénètrent dans la maison et en sortent par derrière et la fouillent avec méthode.
A contrario, les novices entrent et sortent par la porte d'entrée, se déplacent un peu au hasard dans le domicile, passent à 20 secondes dans chaque pièce. Ils ignorent la valeur des vestes en cuir et des sacs à mains de marques qui contiennent de l'argent, des portefeuilles et des téléphones.
Or le professionnalisme paie: les cambrioleurs d'expérience ont amassé un butin moyen de 4.875 livres alors que les étudiants culminent à 3.945 livres en moyenne.
Quant à leur comportement dans la maison virtuelle, où il suffit d'un clic sur un objet pour le dérober, c'est sensiblement le même. Ce qui laisse la porte ouverte pour des expérimentations à venir auprès d'autres cambrioleurs, notamment d'ex-détenus.