BFMTV
Santé

Vieillissement, taille... Voici les effets de l'espace sur le corps des deux astronautes restés coincés dans l'ISS

placeholder video
Les deux astronautes américains Suni Williams et Butch Wilmore, restés coincés dans la Station spatiale internationale (ISS) depuis neuf mois, sont rentrés sur Terre. Un séjour qui n'a pas été sans conséquences sur leur corps et leur santé.

Ils étaient partis pour huit jours, ils sont restés neuf mois dans l'espace. Les deux astronautes américains Suni Williams, 62 ans, et Butch Wilmore, 59 ans, sont de retour sur Terre après un séjour dans la Station spatiale internationale (ISS) beaucoup plus long que prévu en raison de défaillances sur le vaisseau Starliner de Boeing qui les y avait emmenés.

Mais ils ne vont pas encore pouvoir rentrer chez eux tout de suite. Les deux astronautes vont d'abord suivre un programme de réhabilitation physique et subir des prélèvements scientifiques pour collecter des données sur l'effet de la micro-gravité (ou micropensateur, c'est-à-dire une pesanteur très faible) sur leur corps et leur santé. Car des effets, il y en a bien eus.

• Un vieillissement accéléré

Si les deux astronautes étaient préparés et entraînés pour cette éventualité, les conséquences physiques d'un séjour de neuf mois ne sont pas les mêmes qu'un séjour d'une semaine. "Les modifications sont proportionnelles au temps passé", assure à Ouest France Gauquelin Koch, responsable des sciences de la vie et de la médecine spatiale au Centre national d'études spatiales (CNES).

Un séjour dans l'espace, "c'est un vieillissement accéléré du corps humain", explique également au quotidien régional Frank Lehot, médecin spécialisé dans l'aéronautique et le spatial. "C'est un phénomène qui touche tous les organes."

• Une perte de la masse musculaire

Pendant leur séjour dans l'esace, les muscles des atronautes se sont atrophiés. "Avec l'apesanteur, on flotte, il n'y a plus de poids apparent. Donc on n'a plus aucun effort physique à faire. Tout devient léger. Les muscles comprennent le message et n'ont plus besoin d'être performants", détaille encore Frank Lehot.

C'est d'ailleurs pour cela que les astronautes font obligatoirement du sport tous les jours dans l'ISS. Soit deux heures d'activité physique, six jours sur sept, sur un tapis de course, un vélo attaché au sol ou encore une presse hydraulique qui fait office de banc de musculation.

• Une diminution de la densité osseuse

"Six mois en micropesanteur (c'est-à-dire une pesanteur fortement réduite, NDLR), c'est près de 20 ans de vieillissement sur Terre, en terme de perte osseuse", précise le Centre national d'études spatiales (Cnes). Les os ne se régénèrent plus, ils se creusent (phénomène d'ostéoporose) et deviennent plus fragiles.

Les astronautes sont ainsi supplémentés en vitamine D et en calcium durant leur séjour. Des recherches sont aussi en cours sur la nourriture des astronautes, ajoute le Cnes, "comme des salades modifiées génétiquement qui stimuleraient la croissance des os".

• Quelques centimètres en plus

Avec l'impesanteur, la colone vertébrale a tendance à s'allonger. "Là-haut, en impesanteur, le phénomène du tassement des disques (situés entre les 33 vertèbres, NDLR) ne peut plus se produire", détaille la Cité de l'espace. Ce qui n'est pas forcément une partie de plaisir.

"J'ai clairement senti que ma colonne vertébrale s'allongeait avec la microgravité parce que mes muscles étaient constamment contractés, je ressentais beaucoup de douleur dans le dos," se souvient l'astronaute Luca Parmitano pour l'Agence spatiale européenne (Esa).

Dans l'espace, les astronautes gagnent ainsi quelques centimètres sur leur taille (en moyenne 4 centimètres, Thomas Pesquet en avait gagné 2 après six mois dans l'espace). Des centimètres qu'ils perdent rapidement dès leur retour sur terre.

• Une exposition supérieure aux radiations

Les niveaux de radiation à bord de l'ISS sont plus élevés qu'au sol même si le niveau de rayonnement reste relativement faible, le champ magnétique de la Terre offrant encore une protection (l'ISS se trouve à 400 kilomètres de la Terre). Les deux astronautes ont donc été exposés plus longtemps que prévu à ces radiations, pouvant être sources de cancers. Mais grâce au blindage, la Nasa vise à limiter l'augmentation du risque de cancer des astronautes à moins de 3%.

• Le système immunitaire affaibli

"Vivre dans l'espace a un effet néfaste sur le système immunitaire des astronautes", met en garde l'Agence spatiale canadienne. Ce qui s'explique par la microgravité, l'exposition accrue aux rayonnements, la perturbation des cycles du sommeil et l'augmentation du stress. À leur retour sur Terre, les astronautes sont ainsi plus enclins à contracter des pathologies.

Autre explication à la déficience du système immunitaire: les gènes de astronautes sont modifiés par leur séjour dans l'espace. En 2018, une étude de la Nasa menée sur deux frères jumeaux a montré qu'un séjour prolongé dans l'espace modifiait l'ADN humain. Quelque 7% des gènes de Scott Kelly qui a vécu 340 jours à bord de l'ISS étaient ainsi modifiés à son retour.

Une autre étude de la Nasa s'est penché sur les gènes de 14 astronautes ayant voyagé au bord de l'ISS entre 2015 et 2019. Près de 15.000 de leurs gènes avaient ainsi été modifiés, rapporte Géo.

• Un risque de maladies cardio-vasculaires

Une étude a également pointé le risque de développer des maladies cardio-vasculaires pour les astronautes ayant effectué des séjours de longue durée dans l'espace. Ces pathologies sont aussi quatre à cinq fois plus élevées chez les astronautes ayant passé plusieurs mois dans l'espace, rapporte une étude publiée en 2016.

D'après une étude canadienne, après six mois dans l'espace, "les artères des astronautes ont perdu de 17% à 30% de leur élasticité, ce qui se compare à un vieillissement normal sur Terre de dix à vingt ans", pointe l'Agence spatiale canadienne.

Autre point de vigilance: dans l'espace, le corps des astronautes ne transforme pas le glucose normalement. Les astronautes développent ainsi une résistance à l'insuline, ce qui augmente le risque de développer un diabète de type 2.

• Des pertes d'équilibre

Le fonctionnement de l'oreille interne est perturbé lors d'un séjour dans l'espace. Il y a donc de fortes chances pour que Suni Williams et Butch Wilmore connaissent des pertes d'équilibre dans les prochains jours. "Cela arrive à chaque astronaute, même à ceux qui vont dans l'espace juste pour quelques jours", remarque auprès de l'AFP Emmanuel Urquieta, professeur en médecine aérospatiale à l'université de Central Florida.

• Un changement de la vision

L'impesanteur a un effet sur les globes oculaires et peut affaiblir la vision. Certains astronautes doivent ainsi porter des lunettes dans l'espace alors qu'ils n'en ont pas besoin sur Terre. En cause: le déplacement de fluides, c'est-à-dire la redistribution des fluides corporels vers la tête dans un milieu de microgravité.

Ce qui peut augmenter les niveaux de calcium dans les urines et accroître le risque de calculs rénaux, mais aussi augmenter la pression intracrânienne, modifier la forme du globe oculaire et provoquer le syndrome neuro-oculaire associé aux vols spatiaux qui entraîne une déficience visuelle légère à modérée.

Mais le contraire peut aussi se produire. Cela a été le cas pour l'astronaute américaine Jessica Meir. "Quand j'ai décollé, je portais des lunettes et des lentilles de contact, mais en raison de l'aplatissement du globe, j'ai maintenant une vue" supérieure à la moyenne, raconte-t-elle à l'AFP.

Si leur séjour dans l'espace a été particulièrement long, leurs 280 jours en orbite restent encore loin du record absolu. Dans les années 1990, le cosmonaute russe Valeri Polyakov a passé plus de 400 jours à bord de la station spatiale Mir, soit un an et un peu plus d'un mois. En 2022, l'astronaute américain Frank Rubio est quant à lui resté 371 jours - soit un an et une semaine - dans l'ISS, également en raison d'un problème sur son vaisseau.

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV