Un médecin allemand jugé à Paris pour un meurtre de 1982

Le procès de Dieter Krombach, un cardiologue allemand de 75 ans accusé du meurtre d'une adolescente française en 1982, s'ouvre mardi à la cour d'assises de Paris au terme de presque trente ans de procédure. Ce dossier a été rouvert en octobre 2009 lorsque - -
PARIS (Reuters) - Le procès de Dieter Krombach, un cardiologue allemand de 75 ans accusé du meurtre d'une adolescente française en 1982, s'ouvre mardi à la cour d'assises de Paris au terme de presque trente ans de procédure.
Ce dossier a été rouvert en octobre 2009 lorsque l'accusé a été enlevé en Bavière à l'initiative du père de la victime et livré à la police française pieds et poings liés à Mulhouse.
Jamais poursuivi dans son pays, Dieter Krombach avait été condamné en 1995 à Paris par contumace à 15 ans de réclusion criminelle pour "coups et blessures volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner".
Rejugé jusqu'au 8 avril, et aujourd'hui détenu en France, il encourt la réclusion à perpétuité. Ses avocats contesteront la légalité de ce procès le premier jour d'audience, en demandant la saisine de la Cour européenne de justice.
L'ambassade d'Allemagne, qui assure ne pas soutenir l'accusé, conteste qu'il soit jugé pour une affaire close en Allemagne, lui offre l'assistance consulaire et se préoccupe de sa santé et de ses conditions de détention, a dit une porte-parole.
André Bamberski, père de la jeune fille tuée en 1982, Kalinka, dénonce depuis 16 ans les protections dont, selon lui, Dieter Krombach a bénéficiées.
Il a mis au jour des décisions qui lui ont été favorables en France et en Allemagne, avec des motifs qui restent mystérieux.
SEIZE ANS DE TRAQUE
Kalinka Bamberski est morte à l'âge de 14 ans le 10 juillet 1982 à Lindau, en Bavière, où elle passait des vacances avec sa mère, qui s'était remariée avec Dieter Krombach.
Le cardiologue a parlé d'une mort accidentelle et expliqué que Kalinka était morte après qu'il lui eut injecté une préparation ferrique censée l'aider à bronzer.
Malgré des autopsies floues et incomplètes, selon les avocats du père de la victime, le docteur Krombach n'a jamais été poursuivi en Allemagne.
André Bamberski a donc engagé un marathon judiciaire en France, multipliant pendant près de trente ans plaintes et procédures et passant une grande partie de son temps à surveiller lui-même le cardiologue en Allemagne.
Il a mis au jour de nombreux faits troublants.
Une exhumation du corps de sa fille a montré qu'elle avait été mutilée lors de l'autopsie initiale, l'ablation de son appareil génital rendant impossible tout examen pour établir un éventuel viol. La justice française en outre a conclu, notamment sur le fondement d'expertises post- mortem, que la version des faits fournie par le docteur Krombach n'était pas crédible.
La première épouse de Dieter Krombach est morte en 1969 après aussi avoir reçu une injection, a découvert André Bamberski. Le cardiologue a par ailleurs été condamné à deux ans de prison avec sursis en 1997 pour avoir violé une lycéenne de 16 ans qu'il avait endormie par anesthésie.
Arrêté en Autriche en 2000, Krombach a été libéré malgré le mandat d'arrêt français.
Dans une instruction pour entrave à la justice, un juge d'instruction français a découvert que les plus hauts magistrats du parquet français étaient intervenus dans l'affaire et que le mandat d'arrêt avait été diffusé de manière limitée et tardive.
Dieter Krombach a été emprisonné en 2006 en Allemagne pour escroquerie et exercice illégal de la médecine, avant d'être libéré en 2008.
L'année suivante, Anton Krasniqi, un Kosovar qu'André Bamberski dit avoir rencontré par hasard et qui dit avoir agi par compassion, a enlevé le cardiologue et l'a emmené en France.
En 2010, la Cour de cassation a refusé de le libérer, estimant qu'il pouvait être valablement jugé, même si sa présence en France résultait d'un délit d'enlèvement.
Des poursuites séparées sont en cours concernant cet enlèvement contre André Bamberski et quatre autres personnes dont Anton Krasniqi. Le procès devrait se dérouler à Mulhouse cette année.
Thierry Lévêque, édité par Patrick Vignal et Gilles Trequesser