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Soumission chimique: l'ANSM appelle à de nouvelles mesures pour éviter le détournement de médicaments

La soumission chimique consiste en l'administration de substances psychoactives à un individu, souvent une femme, à son insu, à des fins notamment d'agression et de viol. (Photo d'illusration)

La soumission chimique consiste en l'administration de substances psychoactives à un individu, souvent une femme, à son insu, à des fins notamment d'agression et de viol. (Photo d'illusration) - FRANCK FIFE © 2019 AFP

Selon la dernière édition de l'enquête annuelle "soumission chimique", le nombre de signalements de cas suspects de soumission chimique est passé de 727 en 2021 à 1.229 en 2022.

Face au bond du nombre de suspicions de cas de soumission chimique, un fléau mis en lumière par le procès des viols de Mazan, l'Agence du médicament (ANSM) planche sur de nouvelles mesures pour réduire le risque de détournement de médicaments, a-elle fait savoir dans un communiqué publié ce vendredi 20 décembre.

Comme elle l'indique à BFMTV, l'ANSM va "demander, dès le début du mois de janvier 2025, aux laboratoires titulaires d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) de médicaments à risque de soumission chimique de mettre en place des mesures pour limiter leur détournement".

L'ANSM planche sur "des solutions à long terme"

Ces changements pourront porter sur l'aspect visuel, en recourant à un colorant ou une texture inhabituelle. Ils pourraient aussi consister en l'ajout d'un goût ou d'une odeur identifiable, précise l'ANSM, qui a aussi sollicité ses homologues européens pour partager les bonnes pratiques.

"Nous travaillons également à des solutions à long terme pour que les nouveaux médicaments qui seront mis sur le marché intègrent d'emblée ces caractéristiques permettant de rendre leur détournement plus détectable", ajoute l'Agence.

Cette dernière rappelle que la soumission chimique désigne "l'administration d'une substance psychoactive à une personne, sans qu'elle en ait connaissance ou sous la contrainte, dans le but de commettre un délit ou un crime, comme un vol, une agression sexuelle, un viol..."

Le produit peut être ajouté à une boisson, à de la nourriture, injecté avec une seringue. La substance est le plus souvent un médicament (antihistaminique, sédatif, benzodiazépine, antidépresseur, opioïde, kétamine...), mais peut aussi être une autre substance (MDMA, cocaïne, 3-MMC, GHB et ses dérivés, alcool). Selon la dernière enquête, les médicaments psychoactifs ont représenté "56,7% des substances impliquées".

Un bond de 69% des signalements en 2022

Si le nombre de cas reste difficilement quantifiable, une enquête annuelle d'addictovigilance "soumission chimique" - confiée depuis 2003 par l'agence sanitaire au centre d'addictologie de Paris (CEIP-A) - permet d'identifier les substances, le contexte, et d'évaluer les conséquences cliniques sur les victimes.

"Les données 2022 montrent un fort accroissement des signalements": 1.229 signalements de soumission chimique suspects en 2022, contre 727 en 2021, et 539 en 2020, a résumé à l'AFP Céline Mounier, adjointe à la directrice générale adjointe chargée des opérations à l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Entre 2021 et 2022, cela représente "une augmentation de 69%", pointe l'agence du médicament.

Coïncidence de calendrier: la communication de l'ANSM, qui souhaitait alerter avant les festivités de fin d'année, intervient au lendemain de la condamnation de Dominique Pelicot et de 50 autres hommes pour les viols subis par Gisèle Pelicot, assommée d'anxiolytiques par son mari. "Après l'affaire tragique de Mazan, peut-être que nous aurons davantage de signalements", a noté Céline Mounier.

Lancée mi-octobre, la plateforme téléphonique du centre d'addictovigilance de Paris reçoit déjà quantité d'appels de femmes redoutant d'avoir été droguées ou de médecins craignant d'avoir mal diagnostiqué une soumission chimique. Le 25 novembre, Michel Barnier, alors Premier ministre, a par ailleurs annoncé le remboursement par l'Assurance maladie de kits de détection "dans plusieurs départements", à titre expérimental.

Caroline Dieudonné et Vincent Gautier avec AFP