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Santé

Peu concernés mais méfiants: le ressenti des Français pendant la pandémie de Covid-19 passé au crible

Manifestation anti-pass sanitaire à Marseille, le 21 août 2021

Manifestation anti-pass sanitaire à Marseille, le 21 août 2021 - Nicolas TUCAT © 2019 AFP

Un groupe de réflexion baptisé le Conseil européen pour les relations internationales a publié ce mercredi une vaste étude conduite auprès des populations de 12 nations du continent. Son objet: évaluer la perception de ces 18 mois de pandémie selon les pays, les situations géographiques, les âges. Les Français se sentent moins concernés que la plupart des peuples interrogés mais le scepticisme quant aux buts des politiques sanitaires est particulièrement élevé dans l'Hexagone.

Au fond, le paradoxe n'est qu'apparent. Moins palpable qu'ailleurs, le phénomène et surtout les moyens employés pour lutter contre lui sont peut-être plus à même d'apparaître douteux ou contestables. Une vaste enquête menée à l'échelle de l'Europe a paru ce mercredi. Elle révèle que les Français sont au premier rang des peuples à s'être sentis les moins directement frappés par la crise sanitaire au cours des 18 derniers mois, tout en s'affirmant parmi les plus soupçonneux quant aux objectifs réels poursuivis par la politique mise en place pour la contrecarrer et y mettre fin.

Un panel de 3110 Français

L'European Council on Foreign Relations, ou en version française le Conseil européen pour les relations internationales - un groupe de réflexion établi à Londres - a publié ce mercredi une longue enquête, effectuée en ligne et à cheval entre les mois de mai et juin derniers, intitulée Les divisions invisibles de l'Europe: comment le Covid-19 polarise les politiques européennes.

Son objet est simple bien qu'ambitieux: explorer les perceptions de la crise pandémique selon les pays, les situations sociales et géographiques, et les générations. Elle se fonde sur des sondages conduits dans 12 pays de l'Union européenne, à chaque fois auprès de panels représentatifs, forts - chacun - de plus de 1000 interlocuteurs. Le contingent des sondés français s'impose d'ailleurs comme particulièrement pléthorique. 3110 de nos compatriotes ont ainsi confié leur sentiment aux enquêteurs. L'intérêt des conclusions de ces derniers quant au ressenti de nos concitoyens sur cette ère Covid-19 n'en est par conséquent que plus grand.

Distance

64% des Français ont ainsi affirmé n'avoir été - ni eux à titre personnel, ni leur famille, ni leurs amis - touchés de près ou de loin par le virus. C'est-à-dire, pour dire les choses plus clairement encore, qu'ils n'ont pas eu à souffrir de la maladie, ni d'un deuil entraîné par la pandémie, ni de difficultés économiques liées à la crise. C'est l'ensemble national le plus élevé à s'exprimer en ce sens, à l'exception des Danois (qui sont 72% à mettre une pareille distance entre le virus et leur quotidien) et les Allemands (65%).

21% des Français, toutefois, déclarent avoir été affectés par la maladie au plan sanitaire - sans qu'on sache s'ils l'ont contractée personnellement ou l'ont vu envahir le cercle de leurs proches - et 16% au plan économique. À titre de comparaison - deux exemples significatifs du ressenti général en Europe méditerranéenne et orientale tel qu'il transparaît dans l'étude - 65% des Hongrois et 64% des Espagnols ont posé avoir été rattrapés par le virus, que ce soit au plan sanitaire ou au plan économico-social.

Le scepticisme français

Si les Français donnent donc l'impression d'avoir moins pâti que d'autres Européens du marasme en cours, ils n'en intègrent pas moins le trio de tête des détracteurs des politiques sanitaires. Ainsi, tandis que 64% des continentaux, pris ici dans leur intégralité, proclament leur confiance dans les "motivations derrière les restrictions et confinements anti-Covid", en d'autres termes admettent que ces mesures ont été décidées par leurs exécutifs respectifs au nom du bien commun - contre 19% remettant en cause cette assertion, et 17% y voyant plutôt un prétexte au "contrôle de la population" - les Français témoignent d'un scepticisme bien plus fort.

56% d'entre nous font état de leur confiance en la matière. Ce taux est inférieur d'au moins neuf points à ceux des nations nous précédant immédiatement dans ce palmarès (en l'occurrence les Allemands, dont la confiance est jaugée à 65%). Surtout, seuls les Bulgares (50% de "confiants") et les Polonais (38%, et donc 61% de sceptiques ou d'"accusateurs" selon le vocable employé par les sondeurs) vont plus loin dans la défiance.

Fractures en série

Mark Leonard, directeur du think tank et co-rédacteur de ce rapport, a glissé son inquiétude, remarquée ici par le Guardian, dans le document.

Selon lui, l'étude révèle ainsi au sein de l'Europe des "divisions abruptes (...) opposant ceux qui ont éprouvé des traumas personnels causés par la pandémie et ceux qui n'en ont pas subis ; ceux qui soutiennent les restrictions sur le long-terme et ceux qui pensent que les libertés individuelles doivent être rétablies pleinement maintenant ; et entre, et c'est peut-être la dimension la plus préoccupante, ceux qui font confiance à leur gouvernement et ceux qui ne la lui accordent pas".

Une série de face-à-face qui, d'après Mark Leonard, pourrait s'avérer aussi lourde de menaces politiques que la "crise de la dette de la zone euro ou la crise migratoire de 2015" en leur temps.

Son co-auteur, Ivan Krastev, tire la manche des "décideurs politiques" dans une direction plus précise: les jeunes. "Une génération entière a le sentiment qu'on la sacrifie au nom de leurs parents, ou de leurs grands-parents" écrit-il. À l'échelon européen, 43% des répondants âgés de moins de 30 ans n'ont pas hésité à se dire au moins sceptiques au sujet des buts recherchés par les gouvernements à travers les mesures anti-Covid-19.

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV