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Santé

Marseille mobilisée contre le trafic de drogue

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Habitants, policiers et justice se mobilisent pour lutter contre le trafic de drogue, de plus en plus présent et parfois sanglant, dans les cités à Marseille.

Depuis bientôt deux ans, une vague sanglante de règlements de compte liés à la drogue touche Marseille, avec une douzaine de morts violentes. L'agglomération marseillaise figure aussi parmi les plus criminogènes, avec 130 000 infractions constatées par an pour moins d'un million d'habitants. Mobilisés, les représentants de la police et de la justice d'un côté et de l'autre, ceux d'associations et de mères de famille issues de cités des quartiers populaires de la ville, se sont réunis. Ces derniers ont poussé un cri d'alarme devant la prolifération des trafics de drogue.

« Ils font leur commerce en plein jour, sans gêne »

Nassera, mère de famille et membre d'une association, vit dans une cité où des dealers se sont installés en toute impunité depuis quelques temps : « Tous les jours, à partir de 14h, un petit groupe fait son commerce, normalement, en plein jour, sans aucune gêne. Le souci c'est que les jeunes de 10-14 ans observent tout ça ; ils savent même où est caché le cannabis. On essaie de discuter avec ces adultes, pas moyen de les raisonner : pour eux, c'est la seule solution. »

« Attention, la délinquance commence là »

Marc Labbouze, commandant de police, dirige le centre de loisirs jeunesse de la police nationale à Marseille. Il met en garde les familles : « la plupart du temps, on se rend complice déjà parce qu'on a un gosse qui revient avec un jouet qui n'est pas à lui, et qu'on accepte. » Il conseille donc aux associations de véhiculer le message de prévention suivant : « attention, la délinquance commence là, quand le père ou la mère accepte un téléphone, ou autre, dont on ne sait pas d'où il vient. »

« C'est le deal, l'ascenseur social, c'est plus l'école »

Nourredine Bougrine est éducateur à l'Etablissement public d'insertion de la défense (Epide), qui travaille à la réinsertion de jeunes en difficulté à Marseille. En colère, il confirme la gravité de la situation, arguant que le modèle social dans les cités s'est inversé, ce sont désormais les dealers qui donnent l'exemple : « Si à 10 ans on vit avec un tel cadre, comment voulez-vous qu'après les jeunes puissent se projeter dans autre chose que ce schéma-là ? C'est ça l'ascenseur social, c'est plus l'école, poursuit-il, provoquant soupires et contestations chez certains. L'école, ça ne marche pas. En tous cas, c'est le message qui est lancé. C'est ce que ces gens [ndlr, les dealers] proposent quand ils recrutent : "Quoi, tu vas faire des études ? Regarde-le, il est au McDo, il a bac + 5 ! Moi en une semaine, je te fais gagner ce que lui gagne en un mois !" Et là où on doit agir, conclue fermement Nourredine Bougrine, c'est vraiment redonner cette notion : le travail paye. »

Les acteurs sociaux « désarmés »

Mohammed Bousselmania, éducateur dans les quartiers marseillais depuis 15 ans, regrette d'être « désarmé » face à ces problèmes : « De plus en plus de familles vivent de cette économie souterraine. Et aujourd'hui, nous, en termes de moyens, d'armes, face à ce que l'on voit au quotidien, on a rien. Il y a des directeurs de structures sociales qui aujourd'hui ne veulent plus, dans leur quartier, mettre en place des réunions concernant la prévention, les réseaux. Ils chuchotent dès qu'on parle de réseaux, parce qu'il en va de leur sécurité ; et ça, c'est anormal. »

« On sait qu'ils dealent, encore faut-il pourvoir le prouver... »

Le procureur de Marseille, Jacques Dallest a annoncé l'arrivée prochaine de délégués judiciaires dans ces quartiers. Ils devront relayer les craintes des habitants et affirmer un peu plus la présence de la justice. Mais, pointant les difficultés de la lutte contre les trafics, il prévient qu'il n'y a pas de miracle à attendre : « on ne va pas mettre en permanence 10 policiers dans tous les quartiers pour observer les faits et gestes. Il y a un problème de preuves : on sait que les gens sont des dealers, des voleurs, des receleurs, encore faut-il pouvoir le démontrer... On peut arrêter quelqu'un avec 3 grammes de shit ; il va dire que c'est pour sa consommation personnelle, alors qu'on sait que c'est un dealer. Mais pour démontrer le deal, il faut qu'il y ait une surveillance en continue, un travail d'enquête, qui ne se fait pas en 5 minutes. »

La rédaction, avec Lionel Dian