Le suicide, première cause de mortalité des mères du début de la grossesse jusqu'à un an après l'accouchement

Une femme enceinte à Vertou, dans l'ouest de la France, le 19 juin 2018 (illustration) - LOIC VENANCE / AFP
Si elles sont rares, les "morts maternelles" existent toujours en France, où près de 100 femmes meurent chaque année de complications liées à la grossesse, soit une tous les quatre jours en moyenne, selon un rapport de Santé publique France et de l'Inserm publié ce mercredi 3 avril.
Entre 2016 et 2018, 272 morts maternelles ont été enregistrées, c'est-à-dire de décès sur la période allant de la conception à un an après la fin de la grossesse.
Ces chiffres sont stables et la France se situe dans la moyenne des pays européens. "Même dans les pays riches où elle est devenue rare, car (la mortalité maternelle) constitue un événement sentinelle qui alerte sur les inégalités et les priorités en santé maternelle", précise le rapport.
Un décès de cause psychiatrique toutes les 3 semaines
Le premier enseignement de ce rapport est que le suicide est devenu la première cause de mortalité maternelle. "Ce profil rappelle que la santé des femmes enceintes dépasse la sphère strictement obstétricale", pointe le rapport, qui recense environ un décès maternel de cause psychiatrique toutes les trois semaines en France.
Pour diminuer ce risque, "les facteurs de risque, personnels et familiaux, de dépression périnatale doivent être connus des professionnels de la périnatalité et recherchés tout au long du suivi de la grossesse et du post-partum", préconise les experts.
En outre, "il est nécessaire d’informer les femmes enceintes, leur entourage, ainsi que le grand public, des signes de dépression périnatale, de leur fréquence et de l'importance de consulter rapidement en cas de symptômes."
"Des femmes ressentent encore une forte culpabilité à éprouver de la tristesse, un manque de plaisir avec leur enfant, un sentiment de n'être pas une bonne mère, mais verbalisent peu", détaille à l'AFP Catherine-Deneux Tharaux, directrice de recherche à l'Inserm.
Le risque des maladies cardiovasculaires
Les maladies cardiovasculaires sont la deuxième cause de décès maternels, elles sont même la première sur une période jusqu'à 42 jours après la fin de la grossesse, période de mesure de l'OMS.
Ainsi, les scientifiques préconisent une vigilance accrue pour les femmes porteuses d’une maladie cardiovasculaire préexistante et pour la survenue d'une douleur thoracique ou abdominale chez les femmes enceintes
Parmi les causes directes, les décès à la suite d’une hémorragie obstétricale restent stables par rapport à la dernière période 2013-2015, alors que la France avait connu une réduction de moitié en quinze ans.
Inégalités
Le rapport publié ce mercredi souligne d'importantes inégalités sociodémographiques dans la mortalité maternelle. Le risque de décès est plus élevé pour les femmes résidant dans les départements et régions d'outre-mer et pour les femmes migrantes (risque 3,1 fois plus important pour les femmes nées en Afrique subsaharienne).
Il y a également un risque accru pour les femmes en situation d'obésité et pour les femmes plus âgées. En effet, elles sont 2,5 fois plus vulnérables entre 35-39 ans et 5 fois plus à partir de 40 ans.
Une situation qui peut être préoccupante puisque les grossesses sont de plus en plus tardives en France. L'âge d'une première grossesse était de 28 ans en moyenne en 2015 contre 22 en 1967, selon l'Insee.
Plus de la moitié des décès "évitables"
Selon les épidémiologistes, gynécologues obstétriciens, sages-femmes, anesthésistes-réanimateurs, psychiatres et médecins internistes qui ont analysé ces décès maternels, 60 % d’entre eux sont considérés comme "probablement" ou "possiblement" évitables.
"L'analyse du parcours des femmes décédées montre qu’une amélioration est possible", conclut effectivement le rapport.
Ce dernier met ainsi l'accent sur "l'importance de la prévention, du dépistage, et de la prise en charge coordonnée et multidisciplinaire depuis la période préconceptionnelle jusqu'aux mois après l’accouchement, dans toutes les sphères de la santé de la femme".
"Lors du suivi prénatal, les informations sur le contexte social, les conditions de vie et les antécédents de violences sont à recueillir de façon détaillée, au même titre que les antécédents médicaux classiques", insiste le rapport.