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Le plafonnement de l'intérim médical à l'hôpital entre en application, 7 ans après avoir été voté

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Le gouvernement veut mettre fin aux excès des "mercenaires" en plafonnant le montant des gardes à 1390 euros brut pour 24 heures. Mais les hôpitaux craignent que les intérimaires ne délaissent le public, ce qui pourrait mener à des fermetures de services.

Les 24 heures à 5000 euros, c'est fini dans l'hôpital public. Sept ans après avoir été voté, le texte de loi plafonnant le montant des gardes à 1390 euros brut pour 24 heures entre en vigueur ce lundi. Le gouvernement veut mettre fin aux abus des "mercenaires", ces médecins intérimaires qui demandent aux établissements publics de s'aligner sur les rémunérations plus élevées du privé pour accepter un contrat. Mais dans les hôpitaux, on craint que la baisse des rémunérations ne fasse fuir les médecins.

En finir avec "l'intérim cannibale"

En octobre 2022, le ministre de la Santé François Braun promettait d'en finir avec "l'intérim cannibale" et ses "dérives" - jusqu'à 4000 voire 5000 euros brut pour 24 heures selon les périodes de l'année - "qui signeront à court terme la mort de notre service public hospitalier". Ces propos ont été perçus comme une déclaration de guerre par certains intérimaires, dont une partie menace désormais de refuser de travailler.

"Les conditions de travail sont devenues très difficiles. Les médecins à l'hôpital, ce sont eux qui sont mal payés, c'est pas l'intérim qui est trop payé", témoigne une anesthésiste intérimaire.

Beaucoup de médecins intérimaires tirent toutefois parti du manque de bras dans les établissements pour faire valoir leurs revendications: des rémunérations parfois très élevées que les hôpitaux n'ont d'autres choix que d'accepter pour faire fonctionner leurs services. "

"Ce sont des personnes qui se sont vues proposer des contrats à tant d'euros dans un autre établissement et qui viennent nous voir en nous disant 'regardez, on a telle ou telle proposition donc soit vous vous alignez à la hausse, soit on va ailleurs'", confie à BFMTV David Trouchaud, directeur général du Groupe hospitalier Collines de Normandie, dans l'Orne.

La possibilité de négocier sa rémunération a convaincu de nombreux médecins de se mettre en disponibilité: ils représentent aujourd'hui 12% de l'ensemble des praticiens.

Risque de fermeture de services

Les intérimaires aux rémunérations dégradées pourraient-ils donc fuir l'hôpital? Le syndicat des médecins remplaçants hospitaliers (SNMRH) a recensé 167 services "menacés de fermeture imminente" dans une centaine d'hôpitaux, pour la plupart situés dans des villes petites ou moyennes. Liste non exhaustive où aucune spécialité n'est épargnée: chirurgie, pédiatrie, psychiatrie...

"Nous sommes déterminés à refuser tout plafonnement", prévient son président, l'urgentiste Éric Reboli, bien esseulé toutefois dans la communauté médicale. Les syndicats de praticiens hospitaliers lorgnent en effet les économies potentielles sur l'intérim - qui coûte chaque année 1,5 milliard aux hôpitaux - et demandent au gouvernement d'ouvrir une négociation salariale.

"Il faut remettre de l'attractivité pour la médecine hospitalière", plaide également Thierry Godeau, président de la conférence nationale des commissions médicales d'établissements de centres hospitaliers. Au nom de ses confrères de 750 hôpitaux publics, il souhaite "parler des gardes, des astreintes", ou encore "doubler la rémunération des heures supplémentaires".

Revendication soutenue par l'Ordre des médecins, qui juge dans le même temps que "certaines pratiques excessives (...) n'ont déontologiquement plus lieu d'être" et appelle les intérimaires et "l'administration hospitalière" à "respecter le tact et la mesure dans les rémunérations".

Les directeurs d'hôpitaux du Syncass-CFDT, premier syndicat chez ces hauts fonctionnaires, espèrent eux "pouvoir compter sur le soutien de l'État", afin qu'aucun de leurs collègues ne se retrouve "seul pour assumer la fermeture d'un service faute de praticiens acceptant les tarifs fixés par les textes".

Glenn Gillet, Chloé Barbeau, Caroline Philippe avec AFP