"La saturation est proche": à Strasbourg, les soignants inquiets face à la seconde vague de Covid
Particulièrement touchés lors de la première vague, les services de réanimation des hôpitaux de Strasbourg sont à nouveau au bord de la saturation. Ce jeudi, ils ne comptaient plus que quatre lits disponibles sur 55. Malgré la mise en place du couvre-feu dans la ville, le personnel hospitalier s'inquiète et voit arriver cette deuxième vague de l'épidémie avec appréhension.
"Les chiffres sont implacables et on les voit progresser maintenant depuis quelques semaines", a expliqué Jean Rottner, le président de la région Grand-Est, sur France Info.
"Les services partout dans la région aujourd'hui ne sont pas encore particulièrement tendus, mais on doit simplement s'y apprêter", a-t-il prévenu. "Dans 15 jours, trois semaines, je pense qu'il commencera à y avoir un frémissement hospitalier et c'est le service de réanimation qui devrait commencer à être un peu plus chargé qu'actuellement".
Un surcroît d'activité déjà important
Ce jeudi, dix patients Covid étaient en "réa". Un chiffre encore modeste au regard des pics observés en avril, mais qui représente un surcroît d'activité important dans des services déjà très occupés par l'activité automnale habituelle. D'autant plus que ce chiffre risque d'augmenter fortement dans les prochaines semaines.
"La demande de demandes en réanimation est en constante progression. On est en train de se retrouver dans les mêmes conditions qu'à Lille ou à Paris. C'est difficile", déplore sur notre antenne le professeur Fehrat Meziani, chef du service de réanimation médicale du Nouvel hôpital civil, à Strasbourg.
Au 4e étage de l'établissement , tous les lits du service des maladies infectieuses sont déjà occupés par des patients atteints du Covid-19. En cas d'aggravation de leur état, certains devront être transférés en réanimation.
La "grande fatigue" du personnel
Même constat aux hôpitaux universitaires de Strasbourg (CHR). "La saturation est tout proche", s'inquiète Julie Helms, membre du service de réanimation. "L'inquiétude grandit. Le personnel éprouve une grande fatigue... Ils ont pris des congés mais ils sont revenus inquiets face à la situation".
Alors, l'hôpital anticipe: il a déjà prévu un plan de déprogrammation des activités dans d'autres services, en commençant par la pneumologie, la gériatrie et la médecine interne, afin de libérer du personnel en fonction des besoins.
"C'est d'autant plus important que cette fois-ci, il sera difficile de transférer des patients dans d'autres établissements ou de leur offrir de l'aide si nécessaire", poursuit Marie Christine, cadre de santé en réanimation.
De même, le CHR s'est doté du matériel qui lui faisait cruellement défaut il y a encore quelques mois. Parmi eux: des respirateurs, des masques, des surblouses, des médicaments... Au total, l'établissement dispose de quatre mois de stock.
Des leçons de la première vague
Les équipes médicales comptent aussi s'appuyer sur les enseignements de la première vague pour améliorer la prise en charge des malades.
"On a appris de l'épisode précédent. On sait notamment que les corticoïdes permettent, dans un certain nombre de cas, d'éviter l'aggravation et le recours à la réanimation", avance Vincent Castelain, chef du service de réanimation médicale à l'hôpital Hautepierre. "On a moins de patients intubés, et quand ils le sont, cela dure moins longtemps."
Le recours aux anticoagulants a également permis de réduire le nombre d'embolies pulmonaires, même s'il n'a pas d'impact sur le virus en lui-même. Au final, la durée moyenne de séjour des malades du Covid-19 a ainsi été réduite de 30 jours "à une vingtaine", selon Ferhat Meziani.
Mais si les soignants se sentent un peu "mieux armés" désormais, ils concèdent aussi avoir accumulé de la "lassitude" et de la fatigue ces six derniers mois et se disent amers après les maigres augmentations salariales obtenues à l'issue du Ségur de la Santé.
Alors, plutôt que d'être éventuellement applaudis chaque soir comme au pic de l'épidémie, infirmiers et médecins appellent à respecter les gestes barrières, pour limiter la propagation du virus, et espèrent que les campagnes de vaccination contre la grippe permettront d'éviter de surcharger les services. Sinon, la vague pourrait se transformer "en tsunami", s'inquiète Ferhat Meziani.