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"Je deviens ses mains et ses bras": Suzana, compagne de Philippe Croizon, raconte sa vie d'aidante

Philippe Croizon.

Philippe Croizon. - Nick Otto / AFP

Alors qu'ils sont entre huit et onze millions en France, les aidants se sentent parfois oubliés. Pour BFMTV, Suzana Sabino, compagne de l'athlète Philippe Croizon, revient sur son rôle d'aidante et sur les sacrifices qu'il implique.

"C'est moi qui deviens ses mains et ses bras". Suzana Sabino est la compagne de Philippe Croizon, athlète français et premier amputé des quatre membres à avoir traversé la Manche à la nage, en 2010. Interrogée par BFMTV, la quinquagénaire fait partie des huit à onze millions d'aidants qui accompagnent quotidiennement un proche en perte d'autonomie car âgé, malade ou en situation de handicap.

Ce chiffre, dévoilé par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), met en lumière l'importance de leur présence et la quasi-invisibilité de leur engagement dans la société. Comment ces aidants, qui mettent parfois leur vie personnelle et leur carrière professionnelle entre parenthèses, parviennent-ils à tenir?

"C’est moi qui deviens ses mains et ses bras": Suzana, compagne de Philippe Croizon, raconte sa vie d’aidante
"C’est moi qui deviens ses mains et ses bras": Suzana, compagne de Philippe Croizon, raconte sa vie d’aidante
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Un accompagnement "par amour"

Avant de rencontrer Philippe Croizon sur un site de rencontres en 2006, Suzana Sabino l'affirme, elle ne "connaissait pas du tout le monde du handicap". De fait, elle ne "s'imaginait pas que les personnes qui s'occupaient d'une personne handicapée, malade ou âgée portaient un nom".

Par ailleurs, celle qui dit accompagner son mari "par amour", ne s'est pas "reconnue en tant qu'aidante tout de suite". Mais rapidement, la tâche "l'a engloutie", raconte la mère de famille. "On se fatigue, on s'oublie... Pour ma part, j'oubliais plein de choses, alors qu'avant, je n'oubliais personne", partage-t-elle.

"Le rôle d'aidante mange celui de femme"

Lorsqu'elle rencontre Philippe Croizon à l'âge de 38 ans, Suzana Sabino travaille comme soigneuse de chèvres et doit s'occuper de ses trois enfants en bas âge. "Il a fallu s'organiser différemment", raconte-t-elle. "J'ai d'abord dû penser à Philippe et mes enfants, plutôt qu'à moi", confie l'aidante. "Quand je n'allais pas bien, il fallait quand même faire le job. Même malade, même fatiguée", confie-t-elle, avouant que "souvent, le rôle d'aidante mange celui de femme".

"On gagne en créativité car on trouve des moyens pour faciliter le quotidien", raconte Suzana Sabino.

À la fois épouse et aidante, Suzana Sabino a souvent eu du mal à concilier ces deux rôles simultanément. Si elle dit tenir ce rôle "par amour" et "aimer faire ce qu'elle fait", l'aidante ne cache pas l'épuisement que cela engendre. D'ailleurs, la mère de famille avoue avoir "craqué deux fois" en raison d'un "rôle d'aidant trop pesant". Elle a eu besoin de faire une pause de trois semaines pour prendre du recul. "Je ne savais plus qui j'étais", retrace Suzana Sabino.

Un décret pour soulager les aidants

En France, le terme d'"aidant" n'est employé que depuis une dizaine d'années seulement, explique Hélène Rossinot, médecin de santé publique et sociale. "Dans d'autres pays, cela fait 50 ans que ce terme est employé", compare-t-elle. Spécialiste de la question, la professionnelle de santé souhaiterait "une reconnaissance sociale et législative des aidants de malades chroniques".

"La fatigue mentale et physique peut mener jusqu'à un épuisement, voire un burn-out", met en garde Hélène Rossinot.

Un décret signé en août dernier permet justement de mieux accompagner les aidants, parfois seuls. "Un professionnel unique peut désormais intervenir jusqu’à six jours consécutifs auprès de la personne aidée, en suppléance à domicile ou lors de séjours de répit aidant-aidé", précise la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

Véran Escoffier