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"Comme la parentalité ou la maladie": ces entreprises qui signent des accords pour soutenir leurs salariés aidants

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Jours de congés supplémentaires, adaptation des horaires, télétravail... Certaines entreprises signent des accords avec les syndicats afin de mieux soutenir les salariés aidants.

Ces salariés ont une double journée de travail. Après leurs heures de boulot, pas question de se reposer. Ils enchaînent et s'occupent d'un proche en mauvaise santé: un parent en fin de vie, un enfant en situation de handicap…

En France, entre 8 et 11 millions de personnes sont des aidants, selon le ministère du Travail, et plus de 60% d'entre eux occupent dans le même temps un emploi. Avec le vieillissement de la population, un salarié sur quatre pourrait se retrouver en situation d'aidance d'ici 2030, selon l'Ocirp (union d’institutions de prévoyance à but non lucratif).

Peur d'être pénalisé

Les conséquences sur leur travail et sur leur santé sont alarmantes: épuisement mental et physique, absentéisme, isolement… Alors pour les alléger un peu, la loi prévoit différents dispositifs, notamment la possibilité de prendre un congé proche aidant (trois mois renouvelables) ou des aides financières. Mais ils sont très peu utilisés.

"La plupart des aidants n'ont pas conscience de leur situation ni de leurs droits, d'autres ont peur de se faire licencier ou d'être pénalisé s'ils en parlent, il faut faire de la sensibilisation, de la communication", explique à BFM Business Martine Vignau, secrétaire nationale de l'Unsa chargée du secteur social.

"Heureusement, on observe que de plus en plus d'entreprises se saisissent de cet enjeu", assure-t-elle.

Des sociétés comme IBM ou la Macif ont signé un accord spécifique sur le sujet avec les syndicats.

Congés supplémentaires, télétravail…

Fin mai, c'est la Banque Postale qui a signé un accord d'entreprise spécialement dédié aux aidants. Ratifié à l'unanimité par les syndicats, il prévoit notamment trois jours de congés supplémentaires par an, plus de télétravail, notamment au domicile du proche aidé, et la possibilité de bénéficier du dispositif de dons de jours de solidarité.

Il s'agit "d’intégrer pleinement le statut d’aidant dans les parcours de vie reconnus par l’entreprise, au même titre que la parentalité ou la maladie", a déclaré Guillaume de Roucy, DRH du groupe, dans un communiqué.

"Il y avait une volonté commune de la direction et des syndicats de formaliser et d’encadrer par un accord tangible les usages et pratiques, parfois informels, qui étaient déjà en vigueur dans l’entreprise pour accompagner les salariés aidants, ces derniers n’étant pas toujours bien informés quant à la marche à suivre", a également témoigné Nathalie Moché, déléguée syndicale SNB/CFE-CGC au sein de l'entreprise.

Une prise en compte plus difficile dans les TPE

Mais la prise en compte de ces enjeux diffère énormément selon les entreprises. "Les grandes entreprises se saisissent plus systématiquement du sujet, il y a des négociations avec les syndicats etc.", pointe Martine Vignau de l'Unsa.

"Dans les TPE/PME, c'est plus compliqué, notamment en termes d'organisation, ça dépend de la volonté du dirigeant."

Dans ce contexte, formaliser les droits des aidants dans les accords de branche est une solution particulièrement recommandée dans un avis rendu par France Stratégie en 2022. "Les mesures inscrites dans un accord de branche pourraient donc avoir plus de portée dans le sens où elles couvrent d’office les entreprises adhérentes les plus petites", explique le rapport.

Mais en 2022, seules 10 conventions collectives sur 1.102 avaient engagé des actions en faveur des salariés aidants, toujours selon ce rapport. Et une seule branche (celle des hôtels, cafés, restaurants) mentionne le soutien psychologique pour les aidants, "alors que c’est un dispositif important puisqu’il ne se restreint pas à traiter de la situation économique des aidants, mais aussi à leur santé, notamment mentale".

Des carrières freinées et des risques pour la santé mentale

29% des aidants jugent en effet leur santé mentale comme "mauvaise" ou "très à risque", selon un sondage réalisé par Great Place to Work. Et les femmes sont particulièrement concernées.

Un tiers des femmes de 55 à 64 ans déclare aider un proche régulièrement. Et 60% d'entre elles rapportent souffrir d’au moins un trouble physique ou psychologique (douleurs dorsales, anxiété, fatigue, solitude, troubles du sommeil ou palpitations).

Selon un sondage Elabe réalisé pour l'Unedic, 25% des aidants ont même refusé une promotion en raison de leur situation. Pourtant, un bon accompagnement de la part de l'entreprise peut tout changer. En effet, les aidants ayant bénéficié d'un accompagnement se disent bien plus satisfaits que les autres dans leur vie professionelle.

Marine Cardot