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Isolement, agressivité, propos étranges... Comment agir quand un collègue ou un ami va mal

Un patient dans un hôpital de Seine-Saint-Denis (photo d'illustration)

Un patient dans un hôpital de Seine-Saint-Denis (photo d'illustration) - Loic VENANCE / AFP

Comment réagir et vers qui se tourner quand un proche ou un collègue semble être en souffrance psychique? Des professionnels de santé livrent leurs conseils.

Un collègue qui devient euphorique ou irritable, un ami qui tient des propos étranges... Il n'est pas toujours évident de savoir quelle attitude adopter quand on a le sentiment qu'un proche va mal. Pourtant, ce genre de difficultés est relativement courant. Les maladies mentales et les troubles psychiques affectent près d'une personne sur cinq en France, rappelle l'Assurance maladie.

Michel Barnier a annoncé faire de la santé mentale la grande cause nationale de 2025, avec parmi les priorités affichées, l'objectif de changer le regard sur les troubles psychiques et mentaux mais aussi de développer la prévention et le repérage précoce. C'est là l'ambition du gouvernement: repérer les situations à risques et sensibiliser "dans toutes les sphères de la société".

Comment réagir si la situation se présente dans votre entourage? Des spécialistes de la santé mentale livrent leurs conseils.

Burn-out: quels sont les signes qui doivent alerter?
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1. Être attentif aux signaux d'alerte

Qu'il s'agisse d'un proche ou d'un collègue, le premier réflexe est d'identifier les signaux qui doivent alerter. Troubles de la concentration, perte de contact avec les autres, isolement, agressivité, irritabilité... "Il s'agit de tout comportement qui ne relève pas de l'attitude habituelle de la personne", explique à BFMTV.com Isabelle Secret-Bobolakis, cheffe du service psychiatrie adulte du Grand Hôpital de l'est francilien à Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne).

"Ça se joue dans un changement, une rupture, que ce soit dans le verbal ou le non verbal", abonde Maurice Bensoussan, président du Syndicat des psychiatres français.

Si le psychologue clinicien José Presas Rodriguez reconnaît qu'il n'est pas toujours aisé de faire la diffrence entre "un coup de blues passager" et "quelque chose de plus sérieux", il appelle à se méfier de tout changement d'humeur durable.

"Par exemple, si la personne ne vient plus discuter à la machine à café, ne participe plus aux moments de convivialité, ne donne plus de nouvelles ou au contraire devient euphorique", met-il en garde pour BFMTV.com.

"Ce n'est pas parce qu'un collègue ne vient pas une fois déjeuner qu'il faut s'alarmer", insiste pour BFMTV.com Dana Castro, psychologue et psychothérapeute. "Mais s'il dit qu'il est débordé, croule sous le travail, que son comportement change, attention à ce qu'il ne prépare pas un burn-out."

2. Aller plus loin que le "comment ça va?"

Le psychiatre Maurice Bensoussan encourage à engager la conversation au-delà des simples échanges de politesses. "Il faut se méfier de la banalité de certaines paroles, du 'comment ça va' qui n'appelle pas vraiment de réponse et empêche une sensibilité d'émerger." Le spécialiste recommande plutôt des phrases comme "je m'inquiète pour toi" ou "j'ai l'impression que quelque chose te tracasse".

"Tout dépend bien sûr de la relation que l'on entretient avec la personne", nuance José Presas Rodriguez, également membre du bureau national du Syndicat national des psychologues. Il invite ainsi à la plus grande délicatesse.

"Si la personne ne veut pas parler, il ne faut pas la forcer. Mais on peut lui signifier qu'on est disponible dans le cas où elle changerait d'avis."

Membre et formatrice de la Fédération française des psychologues et de psychologie, Dana Castro conseille par ailleurs d'éviter toute forme de curiosité. "On ne dit pas à la personne qui va mal: 'alors, vas-y raconte', qui pourrait être ressenti comme du commérage. L'idéal, c'est de demander comment on peut l'aider."

3. Ne pas porter de jugement

Si la personne est suffisament en confiance pour vous parler, reste un impératif, avertit Isabelle Secret-Bobolakis, également secrétaire générale adjointe de la Fédération française de psychiatrie: la laisser s'exprimer et rester à son écoute sans porter de jugement. "Ce sont des choses simples mais c'est déjà énorme", pointe Maurice Bensoussan. "Un proche ne va bien sûr pas poser un diagnostic, ce n'est pas son rôle. Mais c'est un premier soutien."

"Le plus important, c'est de se montrer disponible quand quelqu'un semble en souffrance", rappelle ce psychiatre qui invite à éviter toute stigmatisation.

"Le mal être psychique, c'est une souffrance comme une autre qui doit être prise en charge", insiste-t-il. Selon les données de Santé publique France, quelque 12,5% des personnes âgées de 18 à 85 ans ont vécu un épisode dépressif caractérisé au cours des douze derniers mois.

4. Éviter les conseils non sollicités

"Ce qui aide, c'est l'écoute bienveillante", abonde la psychologue Dana Castro, également auteure de Ces expériences de vie qui nous font grandir. Elle met en garde contre deux écueils: minimiser les problèmes de la personne et donner des conseils. "On ne dit pas à quelqu'un qui ne se remet pas de la mort de son chien: 'ça va, ce n'était qu'un chien.'"

"Si quelqu'un vit une situation professionnelle compliquée, que son patron lui met beaucoup de pression, inutile de lui répondre: 't'as qu'à lui dire non'."

5. L'orienter vers un professionnel de santé

"Ce sont souvent des situations très délicates à gérer", admet la psychiatre Isabelle Secret-Bobolakis. Si la personne en souffrance semble ouverte à la discussion, et que la situation ne présente pas un caractère d'urgence, il peut être envisageable de lui suggérer de prendre contact avec son médecin traitant, son psychologue ou son psychiatre si elle est déjà suivie.

Dans le milieu professionnel, le service de santé de l'entreprise peut également représenter un interlocuteur. Pour Isabelle Secret-Bobolakis, un salarié ne peut intervenir seul: "Il reste préférable de se tourner vers le manager, c'est son rôle." Le Code du travail précise en effet que "l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs".

Une démarche qui ne s'applique pas à toutes les situations, prévient le psychologue José Presas Rodriguez. "Si on suppose que l'état de la personne est liée à des difficultés professionnelles, à une ambiance au sein de l'entreprise, voire un conflit avec sa hiérarchie, autant éviter de mêler son supérieur", insiste-t-il.

Il est cependant possible de l'orienter vers le dispositif Mon soutien psy qui propose un remboursement de séances d'accompagnement psychologique par des psychologues agréés et conventionnés par l'Assurance maladie. Des séances destinées aux personnes de plus de 3 ans avec des troubles psychiques légers à modérés.

À savoir: il est par ailleurs possible de participer à des formations de premiers secours en santé mentale, sur le même modèle que les formations aux gestes de premiers secours physiques. Des formations qui peuvent se tenir notamment dans un cadre professionnel.

6. Se tourner si nécessaire vers les services d'urgence

Si son état semble inquiétant, la psychiatre Isabelle Secret-Bobolakis suggère de lui proposer de l'accompagner dans un service de soins. À Paris, par exemple, se trouve notamment le Centre psychiatrique d'orientation et d'accueil (CPOA), un service d'urgences psychiatriques et d'accueil sans rendez-vous 24h/24.

Les centres d'accueil et de crise (CAC) et les centres d'accueil permanent (CAP), selon les territoires, soignent et peuvent également hospitaliser les personnes en état de crise pour une courte durée. Plus simplement, il est tout à fait possible de se tourner vers les services d'urgences des hôpitaux qui prennent en charge les urgences psychiatriques au même titre que les urgences physiques.

Car certaines situations peuvent en effet relever de l'urgence psychiatrique. "Dans le cas d'un épisode dépressif, une personne bipolaire peut se trouver dans un état très grave avec des idées suicidaires, même si elle ne les verbalise pas forcément", alerte Isabelle Secret-Bobolakis.

L'urgence psychiatrique est définie comme "une demande dont la réponse ne peut être différée", c'est-à-dire qui ne peut, par exemple, pas attendre un rendez-vous chez un spécialiste plusieurs jours plus tard, détaille Psycom, un organisme public d'information et de sensibilisation sur la santé mentale. "Il y a urgence à partir du moment où quelqu'un se pose la question, qu'il s’agisse du patient, de l'entourage ou du médecin."

Abattement extrême, comportements ou propos bizarres, état d'agitation, violence envers soi-même, les autres, les objets et les meubles, délire ou hallucinations... Si la personne refuse toute aide et que la situation s'aggrave, il ne faut dans ce cas pas hésiter à composer les numéros d'urgence. Le 15 pour le Samu qui peut déclencher les secours ou indiquer la structure vers laquelle se tourner.

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV