Explosion du nombre d'arrêts maladie : un gouffre pour la Sécu

Les dépenses d'indemnisation des arrêts maladie ont flambé de 46% en 10 ans pour atteindre 6,3 milliards d'euros. - -
Renforcer les contrôles jugés insuffisants pour faire face à l'explosion du nombre d'arrêts maladie : c'est ce que préconise dans un rapport la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale (MECSS) de l'Assemblée nationale. En effet, les dépenses d'indémnisation des arrêts maladie ont flambé de près de 50% entre 2000 et 2011 (46% exactement), pour atteindre 6,3 milliards d'euros. Le nombre d'arrêts est ainsi passé de 180 millions de journées à 205 millions sur cette période.
Renforcer la surveillance des arrêts courts
Le rapport parlementaire, publié jeudi, définit deux axes prioritaires : améliorer les contrôles d'un côté et la prévention de l'autre. Dans un domaine où les soupçons de fraude sont récurrents, les députés préconisent de renforcer les contrôles. Alors que 90% des contrôles concernent aujourd’hui les arrêts longs de plus de 45 jours, les députés conseillent de renforcer la surveillance sur les arrêts plus courts, notamment ceux de moins de sept jours, en insistant plus encore sur la Fonction publique.
Parce que la répression ne se suffit pas à elle-même et qu’elle ne résoudra pas les problèmes de santé des travailleurs, la MECSS préconise également de renforcer la prévention des risques professionnels et d'améliorer la sensibilisation aux maladies professionnelles.
« Un contrôle sur deux en faveur de l’employeur »
Pour Franck Charpentier, gérant de la société MediVerif, leader du contrôle médical patronal contre les arrêts de travail abusifs, les arrêts de travail sont quasiment autant justifiés qu’injustifiés. « Nous, 52% des contrôles qu’on effectue sont en faveur de l’employeur. Ça ne veut pas dire que sur un contrôle sur deux les gens ne sont pas malades. Ça veut dire qu’une partie n’est pas malade, une partie n’est pas chez elle, souvent pendant les vacances. Ils sont malades mais ils en profitent pour prendre un peu l’air. Cela veut dire qu’ils ne respectent pas leur obligation de rester chez eux de 9h à 11h et de 14h à 16h. Si un contrôle sur deux est en faveur de l’employeur, cela veut dire aussi qu’un contrôle sur deux confirme la véracité de l’arrêt de travail »
« Renforcer les contrôles sur les malades fréquents »
Bérengère Poletti, député UMP des Ardennes et rapporteure du texte dénonçant le gaspillage pense qu'il est possible de mieux détecter les situations suspectes et de favoriser ainsi un contrôle plus sélectif. « Il y a bien sûr moyen d’affiner les critères, répond Franck Charpentier. Quand, et c’est assez fréquent, un employeur refuse des jours de congés à un salariés et qu’on se rend compte que sur ces jours précis la salariés est en arrêt, il y a quand même une forte présomption de soupçon. Il y a des gens qui sont régulièrement absentéistes et d’autres qui ne le sont jamais. Faut-il aller contrôler quelqu’un qui prend des jours pour la première fois en quinze ans ? Je ne le crois pas. Contrôler quelqu’un qui prend systématiquement ses 90 jours sans perdre une miette de son salaire ? Je pense qu’on pourrait mieux le contrôler. Il faut aussi regarder les pathologies qui reviennent trop fréquemment comme la dépression ».
« Les CPAM n’ont pas les moyens de répondre à toutes les demandes de contrôle »
Si les contrôles ne sont pas assez fréquents, c’est en partie dû au manque de moyens dont disposent les CPAM (Caisses primaires d'assurance maladie), mais peut-être aussi car elles seraient un peu trop compréhensives avec les malades comme le laisse entendre Franck Charpentier. « On n’a pas l’impression que les caisses de Sécu soient méchantes avec les assurés, indique-t-il. Est-ce que les CPAM ont les moyens de répondre à toutes les demandes de contrôles qui émanent des employeurs ? Non. Après il faut imaginer qu’ils reçoivent 5000 arrêts par jour. C’est un peu difficile de savoir qui il faut contrôler dans ces 5 000 arrêts ».