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"Dry January": Agnès Buzyn regrette "une bataille quasi-impossible à mener dans notre pays"

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Le gouvernement refuse depuis plusieurs années de soutenir cette opération qui consiste à se passer d'alcool pendant un mois. Cela n'a été envisagé qu'à une seule reprise par l'exécutif en 2019, avant un rétropédalage.

Un "combat très difficile". Alors que de plus en plus de Français tentent de ne pas boire d'alcool en ce premier mois de l'année dans le cadre du "Dry January" (janvier sec), défi importé du Royaume-Uni pour réduire sa consommation notamment après la période des fêtes, le gouvernement refuse de soutenir l'opération.

De nombreux professionnels de santé et addictologues l'y encouragent pourtant: le Dry January aurait de réels bienfaits pour la santé. En 2019 néanmoins, une campagne avait été préparée par la ministre de la Santé Agnès Buzyn, mais n'a jamais réellement vu le jour.

"Trop de vents contraires"

Dans le numéro d'"Envoyé spécial" diffusé sur France 2 ce jeudi 11 janvier, l'ancienne ministre se souvient d'un "combat très difficile" contre l'alcool lorsqu'elle était en poste.

"Il y a eu des campagnes sur les réseaux sociaux, mais nous n'avons pas fait la campagne d'ampleur que nous aurions souhaité faire à l'époque", regrette-t-elle.

"C'est une bataille quasi-impossible à mener dans notre pays, en réalité. Vous avez trop de vents contraires", poursuit-elle, évoquant notamment le poids des lobbys et du vin comme "une image de la culture française".

Agnès Buzyn parle d'arbitrages "en faveur de l'agriculture, de la viticulture, des vignerons" parce que "le président de la République avait une conseillère agriculture qui venait du lobby très connu des viticulteurs qu'on appelle Vin & Société".

Accusée, dit-elle à Envoyé spécial, de "ne pas respecter la culture française", la ministre a donc "perdu partiellement la bataille".
Dry January, comment rester sobre pendant un mois?
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L'opposition du lobby vinicole

"On avait travaillé d'arrache-pied avec le gouvernement. Et puis, à la dernière minute, tout a été annulé", expliquait à BFMTV.com le psychiatre Jean-Michel Delile, président de la fédération de lutte contre les addictions.

Dans les rangs de la filière vinicole, on assume. "Nous avions fait part de notre incompréhension au président. Si la stratégie gouvernementale est d'aller vers un arrêt total de l'alcool, c'est incompatible avec la santé économique de la France", nous affirmait Krystel Lepresle, déléguée générale du lobby Vin et société.

"C'est une trajectoire de santé publique qu'on ne peut pas accepter", lance-t-elle également auprès de France 2.

Selon elle, le fait que le gouvernement ne soutienne pas le Dry January est "une victoire pour la convivialité dans notre pays, pour la liberté de tout un chacun de pouvoir consommer comme il le souhaite".

Ne pas dire aux Français "comment vivre pendant un mois"

En effet, officiellement, seul le ministre des Transports Clément Beaune participe cette année au Dry January. La plupart des ministres ne tentent pas l'expérience. "No comment", répond ainsi sobrement l'entourage d'un des poids lourds de l'exécutif. D'autres bottent encore en touche, évoquant un "sujet un peu loin" des Français ou encore "une histoire de vie privée".

Sur France Inter, Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture, a expliqué en avoir assez de "l'interdiction, de l'injonction permanente", tout en appelant "à la mesure et à la modération".

Ministre de la Santé jusqu'à la mi-décembre, Aurélien Rousseau a lui affirmé que, bien que "sobre" pour la période des fêtes, il refusait de dire aux Français "comment vivre pendant un mois".

En 2019 déjà, Didier Guillaume alors ministre de l'Agriculture, expliquait ne pas être persuadé que "le vin soit un alcool comme les autres".

"On n'a jamais vu un jeune qui sort de boîte de nuit être saoul parce qu'il a bu du Côtes-du-Rhône", lançait-il.

Les propos déplaisant fortement à sa collègue de la Santé. "La molécule d'alcool contenue dans le vin est exactement la même que celle contenue dans n'importe quelle boisson alcoolisée", avait rappelé Agnès Buzyn.

Vous pouvez joindre Alcool info service au 0.980.980.930, de 8 heures à 2 heures, 7 jours sur 7. L'appel est anonyme et non surtaxé. Le service répond également aux questions via un chat en ligne ouvert de 14 heures à minuit du lundi au vendredi et de 14 heures à 20 heures le samedi et le dimanche.

Salomé Robles