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Santé

Des chercheurs sur la piste d'un remède contre l'intolérance au lactose

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A Lille, des chercheurs ont découvert que le mécanisme à l'origine de l'intolérance au lactose, liée à l’expression du gène de la lactase, l’enzyme qui permet de le digérer, peut être modulé par des molécules naturellement présentes dans l’alimentation. Reste à identifier lesquelles.

Le lactose est le principal sucre du lait qui nécessite une enzyme, la lactase, pour être digéré. Cette dernière, produite par l'intestin, décompose le lactose provenant de l'alimentation en deux autres sucres (glucose et galactose) qui peuvent être facilement absorbés. Mais si la lactase est produite en quantité insuffisante, il n’est pas complètement digéré et parvient dans le colon où il est fermenté par des bactéries.

Cette intolérance "crée un appel d’eau dans le gros intestin. Il en découle une accélération du transit intestinal avec diarrhées, gaz et douleurs.", explique l'Assurance maladie, qui précise que 30 à 50% des adultes ont une digestion incomplète du lactose. C'est à la suite d'une découverte fortuite pendant des travaux scientifiques qu'une équipe du Centre international de recherche sur l’inflammation de Lille pourrait bien avoir trouvé un remède contre cette intolérance.

Les chercheurs de ce laboratoire* étudient les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), en particulier la rectocolite hémorragique. Une maladie qui atteint toujours le rectum et de manière plus ou moins étendue le côlon, qui serait favorisée par des prédispositions génétiques et un dysfonctionnement du système immunitaire. L’un des traitements utilisés pour lutter contre cette maladie repose sur l’utilisation d’anti-inflammatoires, les 5-aminosalicylés (5-ASA).

La clé se trouve dans un gène précis

Ces molécules ciblent un récepteur présent dans les cellules épithéliales de l’intestin: le récepteur PPARy qui transmet des signaux jusqu’au génome, ce qui conduit à une modification de l’expression de différents gènes. L'équipe scientifique était à la recherche de traitements plus efficaces et plus surs contre la rectocolite hémorragique et testait dans ce cadre de nouveaux agonistes, molécules activant un récepteur en s'y fixant à la place du messager habituel, de ce récepteur PPARy.

Les chercheurs travaillaient sur des cellules épithéliales intestinales en culture et pour connaître les effets des molécules testées, ils ont procédé à un type d'analyse spécifique appelée analyse transcriptomique. Celle-ci consistait à identifier et quantifier l’ensemble des ARN présents dans ces cellules, des molécules issues de la transcription d'un gène, pour connaitre les modifications de l’expression des gènes induites par les agonistes testés.

C’est ainsi que les chercheurs ont constaté avec surprise une large surexpression du gène de la lactase, cette enzyme qui dégrade le lactose. "Les résultats étaient sans ambiguïté, il s’agissait du gène le plus hautement régulé par PPARy.", clarifie Benjamin Bertin, responsable de ces travaux. Cette découverte a donc amené les chercheurs à se rapprocher des problèmes d’intolérance au lactose et de ce défaut de production de la lactase.

Un traitement par l'alimentation?

Car si l’intolérance au lactose ne constitue pas un problème en soi, des études l’ont associé à une augmentation du risque de présenter certaines maladies comme l’hypertension artérielle ou l’ostéoporose en raison d’évictions de certains aliments. "L’intolérance au lactose n’a pas vocation à faire l’objet d’un traitement pharmacologique. Toutefois, certaines molécules que l’on trouve naturellement dans l’alimentation régulent PPARy, notamment certains acides gras.", précise le chercheur.

Celui-ci suggère: "L’idée serait donc de supplémenter des intolérants au lactose avec ces nutriments pour qu’ils puissent augmenter leur production de lactase et leur consommation de produits laitiers s’ils le souhaitent.", suggère le chercheur. En attendant, l’équipe a confirmé ses résultats en procédant à des expériences supplémentaires. Les chercheurs ont inactivé le récepteur PPARy et observé une baisse de production de la lactase dans des cellules intestinales en culture.

Ces derniers ont ensuite administré par voie orale à des souris et des rats un agoniste de PPARy en cours de développement dans la rectocolite hémorragique. Ces animaux ont été choisis car ils ne digèrent pas le lactose après le sevrage, présentant notamment des diarrhées s’ils en consomment. Ils ont alors constaté, à l'inverse, une augmentation de la production et de la fonction de la lactase et que leurs symptômes ont diminué après la prise de cet agoniste.

Les scientifiques cherchent désormais à identifier ces fameuses molécules naturelles de l’alimentation qui pourraient être proposées aux intolérants au lactose. En attendant, le seul traitement repose sur la limitation des aliments source de lactose et les personnes intolérantes doivent veiller à adopter une alimentation la plus adaptée à leur cas, car comme le précise l'Assurance maladie, "il est important d'essayer de conserver au maximum un apport en produits laitiers en raison de leur richesse en calcium."

*unité 995 Inserm/Université de Lille 2/CHU de Lille, Centre international de recherche sur l’inflammation de Lille

Alexandra Bresson