Des chercheurs chinois modifient génétiquement des embryons humains

Un embryon humain (blastocyste) en éclosion (illustration) - Marcel Mochet - AFP
C'est vraisemblablement une première. Des chercheurs chinois sont parvenus à modifier un gène défectueux dans plusieurs embryons humains. Une technique encore très incertaine qui provoque les réticences de la communauté scientifique.
L'Alliance américaine pour la médecine régénérative (ARM) a réagi ce jeudi en appelant "à un moratoire volontaire mondial sur ce type de travaux" qualifiés de "très prématurés" et qu'il est "inacceptable de poursuivre à ce stade".
Un gène responsable d'une maladie du sang mortelle
Ces scientifiques chinois "ont tenté de modifier le gène responsable de la bêta thalassémie, une maladie du sang potentiellement mortelle", a rapporté mardi la revue britannique Nature. Ces travaux ont été publiés en ligne le 18 avril dans la publication peu connue Protein and Cell.
Un de ces chercheurs, Junjiu Huang, généticien à l'Université Sun Yat-sen à Guangzhou, explique que les gènes de plusieurs dizaines d'embryons qui ont été manipulés étaient fécondés mais pas viables, et provenaient d'une clinique de fertilité. Ils n'auraient pas pu se développer et produire des êtres humains.
Les généticiens chinois ont injecté 86 embryons avec une version corrigée du gène défectueux et attendu 48 heures. En définitive, 71 embryons ont survécu, dont 54 ont été testés. Ils ont constaté que le gène corrigé avait fonctionné dans 28 embryons mais que seule une fraction contenait le nouveau gène.
Des mutations génétiques imprévues
Selon Nature, ces chercheurs indiquent avoir "eu de grandes difficultés" et que leurs travaux "montrent la nécessité urgente d'améliorer cette technique pour des applications médicales".
"Si on veut appliquer cette technique à des embryons viables, il faut que le taux de remplacement soit proche de 100%", a souligné Junjiu Huang, cité par Nature. "C'est la raison pour laquelle nous avons arrêté cette expérience car nous pensons que cette technique n'est pas au point", a-t-il expliqué.
Le chercheur a aussi jugé encore plus préoccupant "le nombre étonnamment élevé" de mutations imprévues dans ce processus, plus grand que ce qui a été observé dans des expériences faites jusqu'ici en laboratoire sur des cellules humaines adultes ou de souris.
"Nous devons faire une pause dans cette recherche"
De telles mutations peuvent être dangereuses et sont la principale raison pour laquelle la communauté scientifique fait preuve d'une extrême prudence quant à la manipulation génétique des embryons humains pour prévenir certaines maladies.
"Ces derniers travaux mettent en lumière ce que nous avons dit auparavant, à savoir que nous devons faire une pause dans cette recherche et avoir une discussion étendue pour décider quelle direction prendre", a commenté Edward Lanphier, président de Sangamo BioSciences en Californie, cité par la revue Nature.
Au moins quatre autres équipes de chercheurs chinoises travaillent sur des travaux similaires à ceux qui viennent d'être publiés.