Déremboursement de l’homéopathie: comprendre les enjeux en quatre questions

L'efficacité de l'homéopathie n'a jamais été prouvée scientifiquement. - - AFP
Le débat n’est pas récent. Efficace? Poudre aux yeux? Utile? Dangereuse? La controverse sur l’homéopathie ne cesse de faire couler l’encre des spécialistes et d’alimenter les discussions entre pro et anti-homéopathie.
Pourtant, les autorités françaises sont en passe de trancher la question. En effet, le ministère de la Santé a diligenté la Haute autorité de santé (HAS) pour un avis définitif sur l’efficacité de l’homéopathie. Avec, à la clé, un probable déremboursement en cas d'avis négatif. Décryptage en quatre questions pour comprendre les enjeux de cette décision.
> L’homéopathie, c’est quoi?
Avec une histoire de plus de 200 ans, l'homéopathie a un principe simple: ce qui rend malade guérit. Des substances minérales, végétales, animales, chimiques, provoquant les mêmes effets que la pathologie, sont introduites en quantité infinitésimale dans l’organisme pour stimuler les défenses immunitaires. Plus la concentration est faible, plus l’effet attendu est important.
Parmi les médecines dites alternatives, l’homéopathie rencontre un franc succès. On comptabilise 620 millions d’euros de ventes en France en 2017, dont plus de la moitié sur prescription, et 72% des français se disent confiants dans ses vertus curatives. Selon une étude Ipsos de 2012, 56% des Français ont recours à l'homéopathie, dont 36% sur un usage régulier. Un choix d’auto-médication courant dans les familles et les institutions.
La délivrance des granules, pommades et sirops est non soumise à prescription, mais plus de 2000 médecins en prescrivent régulièrement. Avec un remboursement de 30% par l’Assurance Maladie, en 2018 c’est plus de 56 millions d’euros qui ont été versés.
Trois laboratoires se partagent le marché de l’homéopathie en France: Boiron, Weleda et Lehning. Avec 3200 emplois générés par cette industrie, majoritairement à Lyon.
> L’homéopathie, un sujet à polémique?
Depuis son arrivée à la fin du 18e siècle, l’usage de l’homéopathie attise les débats. Aucune étude sur l’efficacité du produit n’étant nécessaire avant son autorisation de mise sur le marché (AMM), beaucoup de professionnels mettent en doute l’intérêt thérapeutique de l’homéopathie.
En 2003, le remboursement par l’Assurance Maladie passe de 65 à 35%. Mais les mutuelles prenant le relais, peu nombreux sont ceux qui s’en émeuvent. En mars 2018, un collectif d’académiciens de médecine et pharmacie réclame l’arrêt du remboursement et de l’enseignement de l’homéopathie dans les universités. Nombreux professionnels de la Santé se lancent dans une chasse aux sorcières. Ainsi l’université de Lille retire l’homéopathie de son enseignement, et 124 médecins signent une tribune virulente contre l’homéopathie dans le Figaro.
En revanche, de nombreuses plaintes auprès de l'Ordre des médecins seront déposées par la suite contre certains signataires, par d'autres praticiens. Des pétitions en faveur du maintien du remboursement sont lancées. Certains praticiens ou des politiques comme Xavier Bertrand (LR) en font même la promotion.
En août 2018 le ministère de la Santé ordonne une étude sur plus de 1200 traitements homéopathiques pour déterminer leur efficacité et pouvoir trancher sur la question du remboursement. L’HAS demande aux trois principaux laboratoires d’apporter leur argumentaire afin d’avoir une vision complète.
Par ailleurs, en mars 2019, un décret ministériel ajoute une unique condition pour le remboursement: l’efficacité. Normalement, le taux de remboursement est conditionné à son service médical rendu (SMR): important, modéré, faible ou insuffisant.
Ce qui semble faire débat dans ce procédé, c’est justement que l’homéopathie ne sera pas jugée selon son SMR mais sur son efficacité en tant que telle.
> L’effet placebo a-t-il une utilité thérapeutique?
“C’est dans ta tête!”, entend souvent l’adepte de l’homéopathie; “Placebo!” fustigent les détracteurs. Des études en double aveugle ont démontré que les placebos (comprimés sans substance active) et l’homéopathie ont les mêmes résultats. Faut-il conclure à leur inefficacité pour autant?
L’effet placebo, souvent cité dans le débat sur l’homéopathie, est l’effet produit sur une personne sans lien direct avec une substance. Nombreux sont ceux qui se disent soulagés 10 minutes après avoir pris un antalgique, tandis que la substance active n’a pas encore commencé à agir.
Un médicament agit via deux composantes: ses propriétés chimiques et ses effets psychologiques (le fameux effet placebo). Le patient attend un certain effet et l’obtient: conditionnement et attente positive.
L’effet placebo fait partie de la démarche thérapeutique. L’homéopathie, par son effet placebo, paraît donc efficace à ce titre. Cependant, les traitement classiques ont également cet effet.
> Quel impact sur l’Assurance maladie?
La France est championne de consommation de médicaments, le plus souvent en auto-médication, avec son lot d’effets secondaires non négligeables. Sans compter que de nombreux médicaments conservent leur autorisation de mise sur le marché alors qu’ils sont inefficaces, voire dangereux.
Le remboursement coûte à l’Assurance Maladie une cinquantaine de millions d’euros par an. Mais selon les laboratoires Boiron, fabricants de préparations homéopathiques, un patient suivi par un médecin homéopathique coûte 35% de moins à la Sécurité Sociale que les autres.
Ce déremboursement possible s’inscrit dans la lignée de la longue liste d’économies de l’Assurance Maladie, après entre autres le déremboursement des traitements dits ‘de confort’ ou ‘pas assez efficace’.