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Covid-19: pourquoi le nombre de cas explose-t-il au Royaume-Uni?

Des Britanniques dans les rues de Londres (Royaume-Uni), le 7 juin 2021, durant un épisode de résurgence du Covid-19 lié au variant Delta.

Des Britanniques dans les rues de Londres (Royaume-Uni), le 7 juin 2021, durant un épisode de résurgence du Covid-19 lié au variant Delta. - NIKLAS HALLE'N / AFP

Avec une couverture vaccinale pourtant similaire à la France, les Britanniques sont confrontés à une nouvelle vague épidémique. Explications.

Longtemps érigé comme un modèle européen pour sa gestion de la pandémie, aujourd'hui, le Royaume-Uni voit rouge. Plus de 45.000 nouveaux cas quotidiens de Covid-19 ont été recensés au cours de la dernière semaine. En comparaison, à couverture vaccinale quasi-équivalente, en France, 4500 personnes en moyenne sont testées positives chaque jour. Soit dix fois moins.

Cette forte différence peut s'expliquer en partie car, outre-Manche, on teste plus massivement la population. Toutefois, le taux de positivité y est plus élevé. Pour preuve, la semaine dernière, 130 personnes par jour en moyenne ont succombé au virus, contre 28 dans l'Hexagone. Un record a même été atteint ce mardi, avec 223 décès liés au Covid dans le pays, le chiffre quotidien le plus élevé depuis début mars.

Plus de gestes barrières

Le 19 juillet dernier, Boris Johnson proclamait le "Freedom Day" (jour de la liberté). Fin des mesures restrictives et quasi-disparition des gestes barrières. Le Premier ministre britannique optait alors pour la stratégie suivante: "apprendre à vivre avec le virus".

Depuis l'été donc, distanciation physique et masques sont presque absents des lieux, publics et privés, au Royaume-Uni. L'exécutif en appelle à la responsabilité collective et au "bon sens" des citoyens, pour reprendre les mots du ministre de la Santé, Sajid Javid.

Le port du masque n'est plus obligatoire et ne constitue désormais qu'une recommandation. C'est notamment le cas dans les supermarchés ou les transports en commun. Selon une étude de l'organisme responsable des transports londoniens, Transport for London, fin septembre, seuls 20% des usagers continuaient à porter le masque.

L'efficacité du vaccin s'érode avec le temps

76% des Français ont reçu au moins une dose de vaccin anti-Covid, contre 73% au Royaume-Uni, pour une population presque équivalente. Pourtant, la situation vaccinale s'avère être bien différente.

D'abord, la grande majorité des vaccinés britanniques ont reçu de l'AstraZeneca. "Ce vaccin, on le sait, est moins efficace par dose injectée. Quand un vaccin ARN messager protège 95 personnes sur 100 de développer une forme grave, ce chiffre tombe à 80 pour AstraZeneca", explique Nicolas Manel, immunologiste et directeur de recherche à l'Institut Curie.

Ensuite, l'efficacité de la vaccination s'érode avec le temps. "Ce n'est rien d'inattendu, mais la protection contre l'infection diminue au fil des mois, ce qui explique en partie la situation épidémique compliquée chez nos voisins britanniques", détaille Nicolas Manel.

En effet, le Royaume-Uni était le premier pays européen à lancer sa campagne vaccinale. Il est donc effectivement possible qu'ils soient les premiers à ressentir les effets de cette baisse d'efficacité. "D'où l'importance des doses de rappel qui permettent d'augmenter la protection à nouveau et de répondre aux variants du virus", rappelle Nicolas Manel.

Bonne nouvelle cependant: si l'efficacité du vaccin AstraZeneca semble s'altérer avec le temps, comme le montrent plusieurs études scientifiques, il reste efficace contre les formes graves de la maladie. En effet, si le nombre de décès est plus élevé au Royaume-Uni que dans les autres pays européens, la courbe de mortalité ne suit néanmoins pas celle exponentielle des infections.

La vaccination des jeunes à la traîne

Un autre facteur pourrait également expliquer l'explosion des cas outre-Manche. “L’épidémie ici est en bonne partie alimentée par les adolescents de moins de 16 ans qui n’ont pas encore pu recevoir leur dose”, abonde la BBC dans un article publié par Courrier International.

Alors que la vaccination des jeunes de plus de 12 ans a débuté mi-juin en France, il a fallu attendre le 20 septembre pour que ce soit le cas au Royaume-Uni. Jusqu'à présent, seuls 15% des jeunes de 12 à 15 ans en Angleterre ont reçu une injection, selon la BBC.

"Nous avons trop tardé à élargir la vaccination aux adolescents alors que nos voisins européens l’ont fait très vite"​, observe l'épidémiologiste Neil Ferguson, membre du conseil scientifique britannique, dans le Guardian.

Un avertissement pour la France?

Face à la situation, le gouvernement britannique a déclaré ce mercredi qu'il n'était pas prévu d'activer le "Plan B", disant qu'il continuerait à surveiller les données mais que la vaccination fonctionnait car il n'y avait plus de lien entre les cas et les admissions à l'hôpital et les décès. Une déclaration qui va à l'encontre des exhortations de nombreux responsables de santé.

Le "Plan B" correspond à un retour aux mesures restrictives et aux gestes barrières dans le pays. Toutefois, l'exécutif a balayé toute idée de reconfinement, de retour au télétravail ou d'obligation de port du masque pour le moment. L'objectif principal est d'administrer les troisièmes doses de rappel aux publics concernés.

Pour l'heure, les indicateurs de l'épidémie en France sont plutôt bons. En revanche, si le Royaume-Uni a quelques semaines d'avance sur notre campagne vaccinale, pourrions-nous nous attendre à une situation similaire prochainement?

L'immunologiste Nicolas Manel se veut rassurant. "Selon moi, la situation est beaucoup plus favorable en France. La campagne vaccinale est plus efficace grâce à l'ARN messager, le pass sanitaire fonctionne et les gestes barrières restent tout de même mieux respectés", avance-t-il à BFMTV.com.

Salomé Robles