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Covid-19: l'immunité muqueuse, l'autre défi pour vaincre la pandémie

Un vaccin administré par voie nasal pour lutter contre l'épidémie de grippe A (H1N1)

Un vaccin administré par voie nasal pour lutter contre l'épidémie de grippe A (H1N1) - JUSTIN SULLIVAN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images

Plusieurs candidats-vaccins intranasaux sont actuellement en cours d'essais cliniques. Leur finalité diffère des autres vaccins anti-Covid-19 en ce sens qu'ils visent à booster le système immunitaire des muqueuses et ainsi prévenir le risque de contamination.

Être vacciné contre le Covid-19 ne vous empêche pas d'être contaminé. Les sérums actuellement administrés dans le monde n'en demeurent pas moins efficaces puisque protégeant contre les formes graves de la maladie, ce qui explique pourquoi ces derniers sont massivement distribués. Reste que ces vaccins ne confèrent pas d'immunité des muqueuses dont peuvent bénéficier les personnes déjà contaminées par la maladie.

"On ne savait pas si les vaccins à ARN messager conféraient ou pas une immunité muqueuse", explique pour BFMTV.com l'infectiologue Benjamin Davido, "ces nouvelles techniques de vaccin n'apportent pas cela, ils (les vaccins anti-Covid-19, NDLR) ne créent pas d'anticorps neutralisants au niveau de la muqueuse".

Le référent Covid à l'hôpital Raymond-Poincaré note par ailleurs que "l'immunité du virus est très imparfaite, il y a des gens qui attrapent la maladie mais n'ont pas du tout d'anticorps. C'est très variable d'un individu à l'autre".

Empêcher l'entrée du virus dans l'organisme

Or la réponse immunitaire des muqueuses est une question non négligeable dans la lutte contre l'épidémie. L'infection au Covid-19 se fait par voie aérienne supérieure, autrement dit par voie nasale, buccale pour rejoindre les poumons. Les cellules des muqueuses nasales et respiratoires constituent donc la porte d'entrée de ce coronavirus dans l'organisme. L'intérêt de stimuler une immunité des muqueuses est donc toute simple: diminuer la charge virale et ainsi lutter plus efficacement contre la contamination.

"Si l'on souhaite générer une réponse immunitaire durable et efficace, il faut vacciner localement", explique José Ordovas-Montañes, immunologiste à l'université Harvard, à nos confrères de National Geographic.

C'est justement parce que les vaccins actuels ne permettent pas d'obtenir une immunité locale efficace au niveau des voies aériennes que les autorités continuent de recommander aux personnes complètement vaccinées de respecter les gestes barrières et de porter le masque.

Un vaccin administré par voie orale?

Faire barrière plutôt que contre-attaquer. Là est l'idée sur laquelle travaillent plusieurs laboratoires qui réalisent des essais sur des vaccins administrés non pas par voie musculaire mais par voie nasale.

"L'immunité des muqueuses, c'est ce qui permet de limiter la transmission", explique Benjamin Davido pour BFMTV.com, "vu la contagiosité de cette maladie [...] le fait de ne pas avoir cette immunité des muqueuses fait qu'on peut être contagieux bien que vaccinés pour un certain nombre de personnes".

Le référent Covid à l'hôpital Raymond-Poincaré estime donc qu'"il va falloir travailler sur un vaccin par voie nasale", se référant notamment à ceux administrés pour la grippe saisonnière et aussi dans certains pays pour lutter contre l'épidémie de grippe A (H1N1) en 2009-2010.

L'objectif ici est de stimuler la production d'anticorps neutralisants de type IgA (principalement responsables de la réponse neutralisante précoce) mais aussi de lymphocytes B et T qui reconnaissent le virus. Ce dernier serait donc éliminé dès son entrée en contact avec l'organisme.

Plusieurs produits en cours d'essais cliniques

Actuellement ce sont sept produits intranasaux anti-Covid qui font l'objet d'essais cliniques selon un article paru fin juillet dans la prestigieuse revue Science. Pas question ici d'injection intramusculaire et donc de seringue mais d'une pulvérisation par spray directement dans les narines.

Il ne faut cependant pas voir ces pistes comme des substituts mais comme des compléments aux sérums actuels: l'immunité que conféreraient ces vaccins intranasaux durerait effectivement moins longtemps qu'une vaccination intramusculaire.

"La stratégie vaccinale idéale serait de recourir à un vaccin intramusculaire pour obtenir une création durable d'anticorps et créer un grand répertoire de lymphocytes B et T, puis de le combiner à un booster intranasal qui produit des lymphocytes B et T dans les canaux nasaux", avancent les auteurs de l'article paru dans Science.

Dans tous les cas, il faudra attendre au moins plusieurs mois avant de voir une éventuelle mise sur le marché de ces sprays nasaux. L'infectiologue Benjamin Davido voit deux scénarii se dessiner: soit une immunité des muqueuses conférée par l'arrivée de ces futurs vaccins, soit par une infection au Covid-19 pour une personne déjà vaccinée et donc protégée contre les formes graves.

Hugues Garnier Journaliste BFMTV