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Covid-19: faut-il de nouvelles restrictions sanitaires au travail après la fermeture des écoles?

Un open space (Photo d'illustration)

Un open space (Photo d'illustration) - Flickr - CC Commons - Jean-Etienne Minh

Alors que le chef de l'Etat a annoncé la fermeture des établissements scolaires pour une durée de trois semaines, soignants et épidémiologistes estiment qu'il faut aussi actionner d'autres leviers pour freiner l'épidémie, notamment celui du télétravail qui n'est pas formellement obligatoire dans les entreprises.

"Systématiser le télétravail". Lors de son allocution télévisée au cours de laquelle il a annoncé la fermeture des établissements scolaires pour trois semaines, Emmanuel Macron a appelé à ce que "tous les travailleurs et tous les employeurs" aient recours au travail à distance "à chaque fois qu'ils le peuvent".

Une mesure qui "est sans doute la plus efficace", a afffirmé le président de la République.

S'appuyant sur l'étude ComCor publiée début mars, l'Institut Pasteur a estimé que le télétravail reste un moyen efficace d’éviter la contamination: lorsqu'il est total, il fait baisser de 30% le risque d'infection et de 24% lorsque celui-ci est partiel.

"Une fois qu'on a fermé les bars, les restaurants, toute la vie culturelle et sportive, que beaucoup de gens sont en télétravail, il n'y a plus beaucoup de possibilité", a considéré mercredi sur RTL Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé globale de l'université de Genève. L'épidémiologiste note cependant qu'il reste encore quelques zones où des mesures de freinage peuvent être prises: "Il y a sans doute encore les cantines d'entreprise et puis tous ceux qui vont quand même au travail".

Une situation "insatisfaisante" pour le Conseil scientifique

Si le Pr Eric Caumes estime qu'il est bien nécessaire d'instaurer de nouvelles restrictions en milieu scolaire, le chef du service des maladies infectieuses à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière considère dans les colonnes du Parisien que les autorités doivent aussi "s'attaquer aux transmissions dans le milieu du travail".

Dans son avis du 11 mars 2021, le Conseil scientifique notait que "la situation en entreprise et dans le monde professionnel hors établissements de santé apparaît comme la plus insatisfaisante sur un plan sanitaire" alors qu'un salarié sur deux est symptomatique lorsqu'il contamine un collègue sur son lieu de travail".

"Le travail en bureaux partagés et les repas en commun sont les circonstances les plus fréquemment rapportées à l’origine des transmissions en milieu professionnel", relevait le conseil qui recommandait alors "une tentative de durcissement de ces protocoles sanitaires, et des moyens dédiés à leur respect et à leur contrôle effectif, en particulier lors des repas".

Face à ces failles importantes, les entreprises ont depuis vu leur protocole sanitaire renforcé la semaine dernière par le ministère du Travail.

"Il faut donner un coup d'accélérateur au télétravail"

Le gouvernement demande désormais aux employeurs de mettre en place des "plans d'action" pour le travail à distance et à l'Inspection du travail à renforcer les contrôles. Selon une étude du ministère du Travail reprise par le Journal Du Dimanche, 34% des entreprises ne jouent pas le jeu alors que les postes concernés étaient compatibles avec le travail à distance.

"Il faut donner un coup d'accélérateur, quand c'est possible, au télétravail", soutient Benjamin Davido à BFMTV.com.

Le directeur médical de crise Covid-19 à l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches relève que le taux d'incidence est très élevé chez les personnes âgées entre 20 et 40 ans, une part importante de la population active.

L'effet indirect de la fermeture des écoles

Pour l'infectiologue, il faut "dissuader les gens d'aller au travail" ce qui peut passer par la restauration en entreprise, et donc la stricte fermeture des cantines. Une mesure envisagée pendant un temps pour les écoles afin de garder celles-ci ouvertes. "L'absence d'attestation (pour les déplacements de moins de dix kilomètres, ndlr) entraîne une absence de contrôle", juge par ailleurs l'infectiologue, expliquant selon lui que "les gens repartent travailler dans leur entreprise".

Benjamin Davido relève néanmoins que la fermeture pendant trois semaines des établissements scolaires va, par "effet ricochet", entraîner une recours forcé au télétravail.

L'épidémiologiste et biostatiticienne Catherine Hill rappellepour BFMTV.com la complexité du suivi de la circulation du virus en s'appuyant sur une donnée de l'étude ComCor: seulement 45% des personnes infectées connaissent la personne source qui les a infectées. Le difficile traçage rétrospectif des malades oblige donc à instaurer de nouvelles mesures sanitaires et une stratégie de dépistage applicable à tout le territoire.

"Ca ne sert pas plus de dépister dans les écoles que dépister dans les entreprises, ce qu'il faut c'est dépister tout le monde en même temps", explique Catherine Hill à BFMTV.com
Hugues Garnier Journaliste BFMTV