Coronavirus: pourquoi la fermeture des frontières avec l’Italie "n’aurait aucun sens"

La soudaine flambée des cas de coronavirus en Italie a fait de ce pays la persona non grata de l’Union Européenne. Du moins, aux yeux des responsables politiques français de droite et d'extrême droite qui réclament le retour des contrôles aux frontières.
Le maire de Menton, une ville du sud de la France située à seulement trois kilomètres de la frontière avec l’Italie, a ajouté à cette requête celle du "renforcement des contrôles d’identité", "soucieux de préserver la sécurité des Mentonnaises et Mentonnais", écrit-il dans un communiqué publié dimanche.
"Plan d'urgence" avec "contrôle à la frontière"
Le même jour, le député LR des Alpes-Maritimes Éric Ciotti a requis la mise en place d’un "plan d'urgence" pour ce département frontalier, avec "des mesures renforcées de contrôle à la frontière".
La présidente du Rassemblement nationale, Marine Le Pen, a quant à elle estimé que ces contrôles seront "nécessaires si l'épidémie est hors de contrôle en Italie". Mais la fermeture des frontières est-elle réellement la solution pour endiguer la propagation du Covid-19?
Solution "inefficace et illusoire"
Le code Schengen sur les frontières autorise bien le rétablissement temporaire de contrôles, "mais toute décision doit être prise à certaines conditions", souligne le commissaire européen à la Gestion des crises, Janez Lenarcic. Elle doit notamment être "basée sur une évaluation des risques crédibles et des preuves scientifiques", être "proportionnée" et "prise en coordination avec les autres" Etats membres, a expliqué le Slovène.
Or, selon plusieurs scientifiques, cette solution serait "inefficace et illusoire". "Au moment où l'on l'instaure la fermeture des frontières, le virus s'est déjà diffusé suffisamment pour que cela ne soit pas efficace", commente à l’Express Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé globale à l'université de Genève.
En effet, en l’espace de deux mois, le coronavirus a gagné une trentaine de pays dans le monde, contaminant 80.000 personnes dont 77.000 en Chine qui compte déjà 2600 morts. En Corée du Sud, 800 personnes ont été contaminées par le virus et sept en sont mortes. L'Iran a annoncé dans un dernier bilan avoir recensé 61 malades et 15 morts. En Italie, le nombre de contaminé est passé de 6 à 229 en seulement quatre jours et on déplore déjà 7 morts.
"Il n'y a pas lieu de fermer les frontières"
De quoi faire craindre à la France - qui n’a recensé jusqu’ici que 12 cas - une nouvelle vague de contamination venant tout droit de l’Italie. Pour autant, le ministre de la Santé Olivier Véran, a rappelé ce mardi à notre antenne qu'il "n'y avait pas lieu de fermer les frontières":
"Il n'y a pas lieu de fermer les frontières" entre l'Italie et la France, a déclaré le ministre de la Santé Olivier Véran ce mardi soir en direct de Rome, avant d'ajouter: "Ce serait disproportionné et inefficace. À ce stade, il n'a pas lieu d'annuler les grands événements publics, qu'ils soient de nature sportive ou culturelle. Mais nous nous accordons la possibilité de regarder chaque situation au cas par cas, en fonction de l'évaluation des autorités".
D'autant que "dans l’espace Schengen, il est compliqué d’imaginer qu’on mette en place des contrôles aux frontières sur une frontière terrestre alors qu’il y a une frontière maritime, des échanges aériens et qu’on peut se rendre d’Italie en France en passant par la Suisse ou par l’Autriche. Donc on aurait vraiment du mal à avoir des contrôles significatifs", observe sur Europe 1 Jérôme Salomon, directeur général de la Santé.
Du côté italien, le Premier ministre Giuseppe Conte, a lui aussi affirmé que la fermeture des frontières ne faisait pas partie de ses plans.
"Il aurait été inutile, et aujourd’hui plus encore, d’adopter des mesures de restriction et de contrôle aux frontières. Nous avons impliqué toutes les régions, nous leur avons expliqué et elles ont toutes convenu que c’est une mesure qui n’est pas à notre portée, qui est complètement inefficace, complètement impossible à tenir", a-t-il déclaré ce mardi devant la presse.
Ne pas céder à la panique
Pour l’heure, aucun pays n'a notifié à la Commission européenne avoir pris la décision de fermer ses frontières à cause du nouveau coronavirus, selon l’institution. La commissaire à la Santé Stella Kyriakides a souligné que dans une situation comme celle-ci "il ne s'agit pas juste de regarder les points d'entrée dans un pays parce qu'on ne peut pas détecter toutes les personnes à risque de développer la maladie".
"Nous allons faire tout notre possible pour soutenir les Etats membres, pour faire face à la situation", promet la commissaire qui prône l’apaisement: "Nous devons y faire face sérieusement, mais nous ne devons pas céder à la panique."
Ce mardi après-midi, les ministres de la Santé des pays frontaliers doivent se réunir en Italie afin de déterminer "des lignes d'action communes" face à l'épidémie.