Coronavirus: faut-il tracer les clients des bars et des restaurants?

"Des cas de non-réponse ont pu être rencontrés sur le terrain (…) Toutefois, nous ne disposons pas à ce jour d’une vision globale et statistiquement étayée du phénomène", pose désormais l'Assurance Maladie. La déclaration de l'organisme - dont le personnel doit s'enquérir des personnes ayant été en contact avec les individus infectés par le coronavirus, les informer, et leur recommander de s'isoler et de se faire dépister - dit toute la difficulté du pproblème: si de tels refus sont difficiles à quantifier, il apparaît en effet que nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à rechigner à indiquer leurs cas contacts après avoir été eux-mêmes testés positifs au Covid-19.
Défiance et vie privée
C'est en tout cas ce qu'a indiqué Aurélien Rousseau, directeur de l'Agence régionale de Santé d'Île-de-France sur le plateau d'Apolline Matin vendredi:
"Notre objectif à nous est de casser ces chaînes de contaminations, c’est comme ça qu’on peut étouffer ce virus. C’est vrai que c’est contraignant d’être mis à l’isolement, personne ne le nie, mais c’est comme ça qu’on protège et qu’on se protège."
Devant nos caméras, des Français se sont démandés s'ils signaleraient les noms des personnes les ayant fréquentés avant le diagnostic covidien. "Pas de raison que je n'observe pas les consignes!" répond l'un, tandis qu'une autre appuie: "C’est hyper normal de filer les informations qu’il faut, ça ne me dérangerait pas." Mais, rapidement, le scepticisme pointe: "Je ne vois pas pourquoi, si j’étais testé positif, je devrais dire qui j’ai fréquenté", confie ainsi l'un des passants. C'est bien souvent le respect de la vie privée qui est au centre des inquiétudes. "Je n’ai pas envie d’être tracé! Ce sont des données personnelles qui n’intéressent que moi", affirme ainsi fermement un autre interlocuteur.
une alternative allemande?
Les Allemands proposent quant à eux une solution alternative. Au lieu d'avoir à lister les personnes éventuellement concernées, ils laissent leurs noms et coordonées à l'entrée des bars et des restaurants. "C’est plus simple pour les autorités de retrouver qui était où et de chercher les foyers d’infection", justifie une Allemande à notre micro. Un de ses compatriotes remarque: "Quand je dois donner des infos via mon smartphone je n’aime pas trop, ça m’effraie moins de le faire sur papier."
A Toulouse, où la même perspective de déclamer son état-civil et ses coordonées avant de se mettre à table ou en terrasse a été soumise aux badauds par notre antenne, la question a suscité des sons de cloche bien différents. Et là encore on craint pour son intimité. "C’est la vie privée. Sinon, dès qu’on achète une baguette de pain, on devra remplir une fiche", fait ainsi valoir l'un des interviewés.
Contrastes
La chose semble aussi ajouter au volume de travail qui alourdit déjà les épaules des serveurs et des gérants. "Je pense que ce ne serait pas viable. On a déjà du mal à faire appliquer correctement port du masque et désinfection alors remplir une fiche ça va être compliqué", souligne Magalie, responsable de bar toulousaine.
"Dans un bar, je ne vois pas trop comment ça peut être gérable de prendre les coordonnées de chaque client au vue du nombre de clients qui viennent", balaie quant à elle une femme travaillant dans un café.
Pour Jean Terlon, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, la mauvaise idée est double: "Plus on applique des choses contraignantes dans un restaurant, moins on a envie d’y aller. Et on rend le restaurant dangereux, c’est un peu embêtant car quelque part on rend les lieux de convivialité anxiogènes."
Même si le syndicat des maîtres-restaurateurs est pour sa part favorable au remplissage d'un document, le contraste entre les deux berges du Rhin est donc profond. Une autre dimension permet d'en avoir confirmation. Le 20 juillet dernier, deux mois après son lancement, il était temps de constater le fiasco de l'application StopCovid, vecteur de traçage voulu par le gouvernement: 1,9 million de personnes seulement l'avaient alors téléchargée (soit 1,27% de la population) et 500.000 l'avaient déjà désinstallée. Selon des chiffres du cabinet Sensor Tower, 14,4% des Allemands s'étaient quant à eux inscrits sur l'application similaire mise à leur disposition, soit 11,95 millions de personnes.
