Cancer du sein: des composés alimentaires peuvent réduire l'efficacité du traitement

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Jus de pamplemousse, caféine, alcool, agrumes... il est connu que certains aliments peuvent altérer l'activité d'un médicament. Comme l'explique l'ANSM, "les interactions entre médicaments et aliments peuvent être à l’origine d’une augmentation des effets indésirables ou d’une diminution de l’efficacité du médicament", d'où l'intérêt de toujours lire attentivement la notice.
Des chercheurs du Scripps Research Institute (Etats-Unis) ont découvert une autre interaction concernant des composés chimiques "mimant" l'action des œstrogènes présents dans de nombreux aliments et qui semble impacter les effets du palbociclib / létrozole, une combinaison médicamenteuse pour le traitement du cancer du sein. Leur étude suggère ainsi que l'exposition à ces composés chimiques appelés xénoestrogènes peut réduire l'efficacité des traitements anti-œstrogènes (hormone sécrétée par l'ovaire) utilisés contre ce cancer.
"Les patients atteints de cancer du sein prenant du palbociclib / létrozole devraient envisager de limiter leur exposition aux aliments contenant des xénoestrogènes.", explique le Pr Gary Siuzdak, auteur principal de l'étude. Le traitement en question est indiqué dans la prise en charge des cancers du sein positifs aux récepteurs d’oestrogènes (ER+), qualifiés "d’hormonodépendants" et a été approuvée par la Food and Drug Administration en 2015.
Une exposition via le blé, le maïs et le soja
Les chercheurs ont trouvé comment analyser de près les effets de cette association médicamenteuse sur les cellules cancéreuses du sein. Ils ont également eu recours à cette méthode pour examiner de possibles changements lorsque ces mêmes cellules cancéreuses du sein traitées avec la combinaison palbociclib / létrozole sont exposées à deux types de xénoestrogènes alimentaires courants: la zéaralénone et la génistéine.
La première substance est une toxine produite par des champignons qui colonisent le maïs, l'orge, le blé et d'autres céréales. Ainsi comme le précise l'Anses dans un rapport datant de 2009, "les aliments contributeurs à l’exposition de la population à la zéaralènone sont le blé, les produits dérivés du blé, ainsi que le maïs et le riz. La proportion d’individus dont l’apport théorique de zéaralènone dépasse Dose Journalière Tolérable établie est de 2,5% pour les enfants de 3 à 14 ans, et de 31% pour la population végétalienne."
L'agence précise que l’effet toxique le plus préoccupant concerne "son caractère de perturbateur endocrinien à activité œstrogénique". Elle conclut cependant que l’effet sur l’homme n’est pas avéré, mais c'est le cas pour les animaux d'élevage comme les porcs (malformations congénitales). La génistéine est quant à elle produite dans certaines plantes, y compris le soja, et est souvent fortement concentrée dans les compléments alimentaires riches en phytoestrogènes.
Une infime partie des substances à risque
Même en utilisant des doses très faibles, semblables aux expositions alimentaires, les chercheurs ont constaté que ces deux xénoestrogènes inversaient en grande partie l'impact de cette bitéhrapie. Sous l'influence de l'une ou l'autre de ces deux substances, les cellules cancéreuses ont également recommencé à proliférer à un rythme comparable à celui observé en l'absence de traitement. Or, elles ne sont que deux des nombreux xénoœstrogènes couramment trouvés dans l'alimentation humaine.
"Il y a une forte probabilité que d'autres xénoestrogènes neutralisent la thérapie d'une manière similaire.", estime le Pr Siuzdak. L'équipe médicale souligne par ailleurs que leur impact sur la santé humaine et sur les thérapies à visée hormonale constitue un domaine de recherche trop peu étudié et que de fait, les informations sont trop peu nombreuses en ce qui concerne les interactions entre ces composés bioactifs et les traitements médicamenteux.