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"Ça peut partir très vite": les soignants s'inquiètent de la possible diffusion du variant brésilien

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Les professionnels de la santé s'inquiètent de la virulence de cette mutation, qui se répand rapidement sur le continent américain.

Plus contagieux, plus virulent, et potentiellement plus résistant aux vaccins, le variant brésilien est-il la nouvelle menace qui plane sur l'Europe? La mutation P1 du coronavirus n'en finit plus d'inquiéter les professionnels de la santé, après avoir sévi à Manaus, ville située au cœur de la forêt amazonienne qui paie actuellement un lourd tribut à la maladie, à tel point qu'elle a été renommée "la capitale mondiale du Covid".

"On voit que ce variant sévit alors même qu’un certain nombre de la population a déjà été atteint (par le Covid-19), on voit qu’il a une capacité de réinfection, ce qui n’est pas forcément le cas des autres variants", explique sur BFMTV Benjamin Davido, infectiologue à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine).

"Il peut monter très vite"

Actuellement, sa présence semble extrêmement faible sur le territoire français. "Pour l’instant, pas de panique, en France le taux est très bas, de l’ordre de 0,1%, mais il doit être sous surveillance", avertit Alain Ducardonnet, consultant santé de BFMTV.

Interrogé par le Parisien, Bruno Lina, chef du Centre national de référence des virus respiratoires de Lyon et membre du Conseil scientifique tempère également le danger à très court terme. "Aujourd’hui, le variant brésilien est quasiment inexistant, aux alentours de 0,5%, selon notre dernière enquête Flash. Le sud-africain est un peu au-dessus de 5%", estime-t-il, à titre de comparaison.

Seulement, cette implantation actuellement basse du variant P1 sur le sol européen n'est en aucun cas gage de sûreté pour les semaines à venir. "Au début, cela peut paraître anodin, puis il peut monter très vite", martèle l'épidémiologiste Antoine Flahaut, toujours auprès du quotidien francilien.

Pour se rendre compte de l'ampleur d'une possible future propagation de cette mutation, il convient alors d'observer sa trajectoire sur l'ensemble du continent américain. Cette fois-ci, c'est le professeur Rémi Salomon, représentant des médecins de l’Assistance-publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui en fait l'amer constat.

"Le (variant) brésilien, on le sait, est désormais très bien installé en Amérique du Sud, au Chili, évidemment, mais ça y est, on voit aussi qu’il remonte. Il y a près de 800 cas en Colombie-Britannique, et il arrive aux États-Unis, dans le Massachusetts, en Floride… La leçon à en tirer est que ça peut partir très vite, y compris en Europe!", reprend-il, toujours auprès du Parisien.

Quelle réaction du système immunitaire?

Outre sa virulence, un doute central se pose concernant le variant P1: sa potentielle résistance aux vaccins.

"L’une des questions qui nous pose problème aujourd’hui à la commission scientifique, c’est de savoir si ce virus n’échappe pas au système immunitaire, et notamment s’il ne risque pas de mettre à mal la politique vaccinale", glisse auprès de BFMTV Benjamin Davido.

Une interrogation partagée par le professeur Bruno Lina, qui de son côté explique la différence entre le variant brésilien et les autres mutations qui sévissent actuellement sur le sol européen.

"Ce qui le distingue vraiment du Britannique est sa capacité d’échappement immunitaire. En clair, alors qu’on sait que la vaccination marche très bien sur le mutant anglais, on voit une perte de protection avec les variants brésilien et sud-africain", avertit-il.

Un doute qui planait déjà avec le vaccin Pfizer lors de l'arrivée du variant sud-africain en France, qui nécessitait "six à quatorze fois plus d’anticorps pour le bloquer", rappelle auprès du Parisien Olivier Schwartz, directeur de l’unité virus et immunité de l’Institut Pasteur.

"Ce qu’il faut voir, c’est son efficacité (du vaccin, NDLR) dans la durée. Peut-être qu’au début, le niveau d’anticorps est suffisant, mais qu’il décroît au fil du temps. D’ailleurs, Pfizer travaille sur une troisième dose", pronostique-t-il.

Quels contrôles?

Alors, se pose logiquement la question des contrôles plus stricts des passagers en provenance du Brésil. Si le ministre des Transports Jean-Baptiste Djebbari a assuré qu'il était impossible de suspendre les vols en raison de la nécessité d'assurer la libre circulation des ressortissants français, de nombreux professionnels de la santé réclament des mesures plus fortes. "On ne peut pas plaisanter avec le variant brésilien", insiste l'infectiologue Gilles Pialoux ce mardi matin sur BFMTV-RMC.

La possibilité d'une quarantaine obligatoire et surveillée pour les voyageurs, plutôt qu'un simple test antigénique et une attestation sur l'honneur, est évoquée mais elle pourrait cependant ne pas suffire, estiment certains.

"Les contrôles sanitaires existent, la question serait donc: faut-il interdire les vols? Ce serait une façon de mettre une pression sur les pays jusqu’à ce qu’ils prouvent qu’ils mettent des mesures en place", conclut Bruno Lina, toujours auprès du Parisien.

"On devrait être plus vigilant sur les vols qui arrivent, mais en fait, il faut reconnaître que probablement le variant est déjà là. Il faut que la quarantaine pour les passagers soit imposée, mais encore une fois c’est en France même qu’il faudra être vigilant et bien dépister ce variant brésilien", conclut Alain Ducardonnet.

https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier Journaliste BFMTV