Ardèche : le village où il est interdit d’être malade la nuit

L'Assurance maladie ne veut plus payer les nuits de garde des médecins. En réponse, le maire d'une commune de l'Ardèche a interdit à ses administrés d'être malades la nuit. - -
Habitants de Coucouron, si votre gastro se déclenche à minuit, il va falloir être patient : le maire vient d’interdire aux habitants de son village d’être malade la nuit par arrêté municipal. A partir du 1er Juin prochain, la maladie est bannie de ce village d’Ardèche de 850 habitants de minuit à six heures du matin. Une provocation assumée, en réponse à l'Agence régionale de Santé Rhône-Alpes qui a décidé de ne plus payer la prime de 100 euros aux médecins qui étaient de garde la nuit. Si le but est de faire des économies à la Sécurité sociale, le maire et tout le village s’inquiètent de cette mesure, n’ayant déjà que trois médecins pour environ 4 000 habitants répartis sur une trentaine de communes. Coucouron est à plus de trois quarts d’heure de route du SAMU, seul à pouvoir intervenir de nuit en cas de problème médical si les médecins décidaient de ne plus assurer leur garde.
« Il faudra vous amener à la chambre funéraire »
Jacques Genest, le maire UMP de Coucouron depuis 18 ans et président des maires ruraux de l'Ardèche, assume son geste provocateur. Pour lui, le danger est réel. « Le problème, c’est que si, entre minuit et 6h du matin, vous êtes malade chez nous, on est à 11 000 mètres d’altitude et loin de tout, vous appelez le 15. Ils vont nous dire « on vous envoie les pompiers », mais le médecin des pompiers, c’est le médecin local ! S’il n’y est pas, on va appeler le Samu si c’est grave. C’est à 50 minutes du Puy, à une heure d’Aubenas. Et qu’est-ce qu’on fait pendant ce temps ? Il faut juste espérer que pendant ces cinquante minutes, vous ne soyez pas morts, sinon il faudra vous amener à la chambre funéraire, c’est tout ».
« On le prend vraiment pour un abandon »
Habitant de Coucouron, Albert Enjolras est adjoint au maire. « C’est quand même une angoisse importante, d’autant plus qu’on a une région où la population vieillit pas mal, s’inquiète cet agriculteur de 73 ans. Ça représente des risques énormes pour la population. Moi-même, j’ai fait un infarctus il y a quelques années de cela, si ça arrive pendant ces heures sans le service, ça risque d’être la mort. Il y a aussi des accidents, et si on n’est pas secourus de suite, ça risque d’être une catastrophe pour les gens à qui ça arrive. Et là, on le prend vraiment pour un abandon, on régresse énormément ».
« Je ne vais pas abandonner mes patients »
Rolland Blanc, l'un des trois médecins généralistes sur le secteur de Coucouron, n’a pas l’intention pour autant d’abandonner ses gardes pour autant, mais regrette cette décision prise sans concertation. « Je vais continuer de faire des gardes, parce que je ne vais pas abandonner mes patients, par contre je ne serai plus indemnisé. Je vais perdre 100 euros par nuit de garde, ça fait 1000 euros de moins par mois. C’est une décision dictatoriale, je comprends très bien qu’il faille faire des économies, mais on est pris comme d’habitude pour des pions. Il n’y a pas de concertation, mais une décision prise unilatéralement par les autorités qui décident que, après tout, les médecins n’ont pas besoin d’être indemnisés, et éventuellement les patients n’ont pas besoin d’être soignés s’ils sont malades la nuit ».