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"À mon époque, ça n'existait pas": positifs au papillomavirus, ils auraient aimé pouvoir se faire vacciner

Une gynécologue dans un centre de fertilité en octobre 2022 (Photo d'illustration).

Une gynécologue dans un centre de fertilité en octobre 2022 (Photo d'illustration). - JULIEN DE ROSA

Une campagne de vaccination gratuite et "généralisée" va être lancée dans les collèges pour les élèves de 5e afin d'éradiquer le papillomavirus, responsable de 6000 nouveaux cas de cancer chaque année en France. Des femmes testées positives au papillomavirus, elles, racontent à BFMTV.com qu'elles auraient aimé pouvoir se faire vacciner.

Le vaccin contre le papillomavirus n'était pas une option lorsqu'Isabelle Gachet était adolescente, dans les années 1990. "À l'époque, ça n'existait pas. On en parlait pas du tout", raconte cette infirmière de 43 ans, à qui on a diagnostiqué des lésions précancéreuses liées à un papillomavirus il y a deux ans, lors d'un frottis de contrôle.

Ce mardi, Emmanuel Macron a annoncé la mise en place d'une campagne de vaccination gratuite et généralisée dans les collèges pour les élèves de 5e. L'objectif est d'éradiquer le papillomavirus, responsable de 6000 nouveaux cas de cancer par an.

En France, le vaccin contre le papillomavirus n'est recommandé chez les jeunes filles que depuis 2007, et uniquement depuis le 1er janvier 2021 pour les garçons. Ainsi, le taux de couverture vaccinale n'est que de 37% pour les filles et de 9% pour les garçons, alors que la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030 vise un objectif de 80% d'ici sept ans.

Isabelle Gachet, quadragénaire originaire de Dordogne qui était allée consulter sa gynécologue pour des saignements anormaux, a alors dû subir une conisation du col de l'utérus. Il s'agit d'une petite chirurgie censée enlever une portion du col utérin. Avec le recul, elle est convaincue d'avoir été contaminée par une ISTM (infection sexuellement transmissible) par son mari une vingtaine d'années plus tôt. À l'époque, on avait dû lui retirer des condylomes (verrues génitales) au laser.

"Ça m'aurait évité bien des soucis"

"Ça a heureusement été pris à temps, mais les médecins m'ont prévenu que le virus ne disparaissait jamais. Tous les ans désormais, j'ai un contrôle et c'est un peu l'épée de Damoclès. Je sais que les cellules précancéreuses peuvent ressurgir de nulle part", explique cette mère de deux adolescentes, qui s'est empressée d'évoquer le sujet avec ses deux filles adolescentes.

Âgées de 12 et 15 ans, les deux jeunes filles ont été vaccinées dès que le vaccin leur a été proposé. "J'ai pu entendre des gens dire que ça ne servait à rien. Quand on est adolescents, on a peut-être cette impression mais je suis la preuve que ça peut être utile plus tard: ça permet quand même d'éviter bien des inquiétudes quand on vieillit".

"Aujourd'hui je peux le dire: j'aurais bien aimé qu'on me propose ce vaccin à moi ou à ma mère quand j'étais jeune. Ça m'aurait évité bien des soucis, et je n'aurais sans doute pas développé cette saleté", ajoute-t-elle.

"J'ai dit à ma fille qu'il fallait absolument qu'elle le fasse"

La question ne s'était jamais posée non plus pour Dorothée Hirard, serveuse de 39 ans à Arbanats (Gironde), avant qu'on ne lui diagnostique une infection au papillomavirus de grade 3 (de haut-grade) en 2011, alors qu'elle était âgée de 27 ans. "J'ai eu peur de ne plus pouvoir avoir d'enfants après ça mais ça n'a pas été le cas. On m'a juste fait du laser pour m'enlever toutes les lésions", raconte cette mère de trois enfants, qui est désormais surveillée tous les ans. Son fils de 13 ans, lui, vient de se faire vacciner, sensibilisé par l'histoire de sa mère.

Magali Oliveira, elle aussi, regrette de ne pas avoir eu accès au vaccin dans sa jeunesse. En 2020, cette femme de 50 ans développe d'importants maux de ventre et un abdomen anormalement gonflé. Un frottis révèle à ce moment-là à l'hôtesse de caisse toulousaine, mère de deux enfants, qu'elle est positive au papillomavirus. Heureusement pour elle: il est encore temps pour elle de procéder à une hystérectomie, à savoir l'ablation totale de son utérus.

Un processus lourd qui va marquer le début d'une longue série de problèmes de santé. "Ça peut être très douloureux. De mon côté, je n'ai plus envie d'avoir d'enfants donc ça va encore, mais j'imagine la souffrance que ça peut être pour une jeune femme à qui on annonce ça", affirme la quinquagénaire.

"Ce vaccin, j'ai tout de suite dit à ma fille de 15 ans qu'il fallait absolument qu'elle le fasse", raconte la mère de famille, qui n'a "pas eu besoin de parler longtemps" pour la convaincre:

"À son âge, elle n'en pensait pas grand-chose. C'est une ado qui fait sa petite vie et elle ne pense pas à ça, ce qui est normal. Je lui ai dit 'c'est pour te protéger'".

Pas seulement une affaire de femmes

Et le papillomavirus n'est pas qu'une affaire de femmes. Ce virus, sexuellement transmissible, peut également toucher les hommes et provoquer des cancers du pénis, de l'anus ou encore des cancers de la sphère ORL (gorge, bouche etc.) C'est ce qui est arrivé à Thierry Moyer en juin 2019. Après un mal de gorge persistant, ce gérant d'une rôtisserie à Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes) se découvre une boule dans la gorge, qui se révélera être un cancer des amygdales provoqué par un papillomavirus.

"J'ai été surpris par le diagnostique. En tant qu'homme de 51 ans, je ne me sentais pas concerné", raconte à BFMTV.com Thierry Moyer, pour qui ce virus "touchait plus souvent des femmes", et "la plupart du temps de façon bénine".

Chimiothérapie, radiothérapie... Ce père de famille est contraint de subir trois mois de traitements lourds, qui lui font perdre 25 kilos. Trois ans après, il en sort très affaibli mais ne sait toujours pas "comment il a été contaminé".

"Les médecins m'ont dit que c'était probablement lié à une relation sexuelle, mais je ne suis pas trop du genre à courir à droite à gauche donc je ne sais pas... C'est très difficile de retracer l'origine de la contamination", affirme cet homme, qui n'avait jamais entendu parler de la vaccination contre le papillomavirus avant d'attraper son cancer.

"Plusieurs raisons expliquent la faible couverture vaccinale française", explique à l'AFP Sophie Vaux, coordinatrice de programme sur la surveillance de la couverture vaccinale à Santé Publique France. L'une des premières est le coût du vaccin, compris entre 95 et 116 euros. S'il est remboursé à 65% par l'Assurance maladie et la part restante prise en charge par une mutuelle complémentaire, l'avance des frais ou l'absence de mutuelle peuvent freiner.

Par ailleurs, une récente étude de Santé publique France a notamment montré que la vaccination était plus faible dans les populations les plus pauvres. En France, contrairement à d'autres pays, la vaccination contre les infections à HPV est dite "opportuniste" dans le sens où c'est l'adolescent ou ses parents qui prennent rendez-vous avec le médecin pour la vaccination.

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV