Vos 14 Juillet avec monsieur le Président

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Contrairement à l'un de ses engagements de candidat, et même si cette promesse ne figurait pas stricto sensu dans son programme présidentiel, François Hollande a décidé de renouer avec une vieille tradition républicaine : l'interview très cadrée et très solennelle du président de la République sous les ors de l'Elysée. Des pièces du Palais à ses jardins, en passant par les Champs-Elysées voisins, les cérémonies du 14 juillet répondent à un décorum très codé... empoussiéré, persifleront certains observateurs.
Les 14 juillet élyséens de la Ve République ont ceci en commun que la plupart des présidents ont souhaité y imprimer leur marque. De droite comme de gauche, ils y ont perçu la même portée symbolique, la même opportunité d'incarner le Président debout... Opportunité d'autant plus bienvenue si les affaires ou la crise les ont mis à genoux.
La garden party de l'Elysée fait partie des premiers passages obligés du chef de l'Etat à chaque 14 juillet. En 1978, Valéry Giscard d'Estaing transforme ce buffet grand luxe sur gazon en événement mondain. Ses réponses aux questions d'Yves Mourousi depuis les jardins de l'Elysée sont alors retransmises au journal de 13 heures.
L'interview du 14 juillet : une arme mitterrandienne
Dans toute la solennité de l'Elysée, François Mitterrand sélectionne soigneusement les annonces qu'il réserve à ses interviews du 14 juillet. En 1984, face à une France profondément divisée sur la place de l'école privée, le président Mitterrand confirme le retrait du projet de loi Savary. En 1986, il débute le bras de fer de la première cohabitation, en annonçant qu'il « n'a pas les assurances nécessaires » pour signer l'ordonnance de privatisation préparée par le gouvernement Chirac.
Puis François Mitterrand souhaite entrouvrir les grilles de la très sélect garden party : le 14 juillet 1992, une dizaine de jeunes de l'association Les grands frères pour l'intégration dans les banlieues sont les invités surprise sur les pelouses de l'Elysée.
Ce même jour, le président Mitterrand rend un hommage appuyé à Bernard Tapie - « un homme tout à fait remarquable », contraint peu auparavant d'abandonner le ministère de la Ville pour cause de démêlés judiciaires.
Un an plus tard, sous sa seconde cohabitation, il aura cette phrase terrible sur la lutte contre le chômage : « On a tout essayé », semblant ainsi faire aveu d'impuissance, mais exprimant aussi un surprenant soutien au gouvernement d'Edouard Balladur.
La France black-blanc-beur et le « pschitt » de Chirac
Et un, et deux, et trois - zéro ! Le 14 juillet 1998, les joueurs de l'équipe de France de football championne du monde, Zinédine Zidane en tête, reçoivent une ovation sur le perron de l'Elysée sur l'air de We are the champions, à l'invitation du président Jacques Chirac.
Dans le temps, cet hymne de la victoire n'aura pas forcément la portée espérée. Personnellement mis en cause pour des voyages payés en espèces, Jacques Chirac se retrouve sur la défensive le 14 juillet 2001, jugeant simplement que cette affaire a fait « pschitt », et taillant en pièces l'action de Lionel Jospin, son Premier ministre de cohabitation, et son futur - malheureux - adversaire à la présidentielle.
Coup de théâtre en 2002 : Maxime Brunerie, un jeune militant d'extrême droite, ouvre le feu dans la direction du président Chirac, sans le toucher, en plein défilé militaire sur les Champs-Elysées. Il passera 7 ans en prison.
Passé d'un septennat à un quinquennat, Jacques Chirac annonce le 14 juillet 2004 un référendum sur la Constitution européenne, et s'affirme comme le vrai patron de l'action gouvernementale, en rappelant sèchement à l'ordre le ministre des Finances, un certain Nicolas Sarkozy : « Je décide, il exécute ».
De Sarkozy à Hollande : les années crise
En 2007, cet « exécutant » que Jacques Chirac se plaisait à appeler en privé « le petit », est élu président de la République. Pour son premier 14 juillet de chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy renonce à la traditionnelle interview présidentielle télévisée.
Un an plus tard, l'ex-otage franco-colombienne Ingrid Betancourt, tout juste libérée, reçoit la Légion d'honneur des mains de Nicolas Sarkozy lors de la garden-party. Ce même jour, un parterre sans précédent de dirigeants étrangers, dont le président syrien Bachar al-Assad, l'Egyptien Hosni Moubarak, l'Israélien Ehud Olmert et le Palestinien Mahmoud Abbas, assistent au défilé des Champs-Elysées dont les Casques bleus de l'ONU sont invités d'honneur.
A l'édition 2010, la crise est passée par là, aussi Nicolas Sarkozy décide-t-il de supprimer la garden party, qui a coûté plus de 700 000 euros l'année précédente.
Le changement... c'est maintenant, entonne François Hollande. Changement d'abord, par rapport à la pratique de son prédécesseur : le 14 juillet 2012, le nouveau président fraîchement élu s'offre un bain de foule Place de la Concorde, pour renouer aussitôt avec la traditionnelle interview présidentielle mais, comme il s'y était engagé, hors les murs de l'Elysée. François Hollande se prête à l'exercice depuis l'Hôtel de la Marine.
Le début des années 2010 a déjà installé la tout-puissance des réseaux sociaux : le chef de l'Etat revient sur le tweet controversé de sa compagne Valérie Trierweiler, en déclarant que « les affaires privées se traitent en privé », et juge « inacceptable » le plan de restructuration de PSA. Cette année, rendez-vous... à l'Elysée.