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Valls invoque la menace d'un vote caché pour le FN

Manuel Valls, tout comme François Hollande, croit à la possibilité d'un vote caché pour le Front national.

Manuel Valls, tout comme François Hollande, croit à la possibilité d'un vote caché pour le Front national. - LOIC VENANCE / AFP

Pour expliquer son soutien à Emmanuel Macron, Manuel Valls a notamment agité la menace d'une sous-estimation du vote Front national à la présidentielle.

"Je suis convaincu que le Front national est beaucoup plus haut de ce que nous disent les sondages". Voilà l'avertissement lancé ce mardi matin par Manuel Valls, lors de l'annonce de son soutien à Emmanuel Macron sur BFMTV et RMC. 

"Je pense que rien n’est joué, ni pour le premier tour, ni pour le deuxième tour. Je crains par exemple une abstention très forte. Il y a d’abord un risque de victoire du Front national, je suis convaincu malheureusement que le Front national est beaucoup plus haut de ce que nous disent les sondages", a déclaré l'ancien Premier ministre, regrettant que l'on "s’habitue à un score du Front national". 

Hollande persuadé que le vote FN est sous-estimé

François Hollande, qui a fait de la lutte contre le FN le fil rouge de ses derniers mois de mandat, partage cette crainte. "En privé, François Hollande se dit persuadé que Marine Le Pen, qui profite des difficultés de François Fillon, est "sous-estimée dans les sondages", rapportait le journal Le Monde au début du mois.

"Si la candidate du FN arrive avec dix points d’avance au premier tour, celui qui arrivera en deuxième position peut avoir du mal à rassembler", analysait un conseiller du président dans les colonnes du quotidien du soir.

Le rôle potentiel des primo-votants

Dans cette campagne présidentielle unique, caractérisée par son instabilité et son aspect imprévisible, plusieurs facteurs pourraient jouer en faveur d'un score du FN plus élevé que celui qui ressort des sondages. D'abord, le rôle des primo-votants, tel que décrit ce mercredi sur RMC par Bruno Cautrès, et analysé par le Cevipof. Cette année, 3,3 millions de nouveaux électeurs sont attendus aux urnes pour la première fois, représentant 7% du corps électoral. 

"La candidate favorite c'est Marine Le Pen, 29,3% des personnes interrogés disent vouloir voter pour elle", a expliqué Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof. "Ce n'est pas une jeunesse dépolitisée", constate-t-il aussi. 

Stabilité du socle électoral

Depuis plusieurs semaines, sondeurs et analystes pointent en particulier la grande stabilité du socle électoral du Front national. Dans les études d'opinion, l'électorat se déclarant pour Marine Le Pen est à une écrasante majorité sûr de son choix, ce qui n'est pas le cas dans la même mesure pour les autres candidats. 

Lors d'une conférence sur le Front national à la Fondation Jean Jaurès en février dernier, le politiste Joël Gombin, spécialiste de sociologie électorale, expliquait que le vote en faveur du FN pourrait avoisiner selon lui les 30% au premier tour, même s'il disait ne plus croire à un "vote caché" ou vote honteux pour le FN, ni à une possible victoire de Marine Le Pen au second tour.

L'abstention inavouée a remplacé le vote caché

Si parmi les chercheurs, la prudence reste de mise, certains ne sont plus en mesure d'affirmer que la victoire est impossible. Parmi eux, le théoricien Serge Galam, directeur de recherche au CNRS rattaché lui aussi au Cevipof. Dans un entretien à BFMTV, il analysait mardi ce qu'il appelle l'abstention inavouée, qui pourrait venir perturber les résultats de la présidentielle.

"Les instituts de sondage prédisent une évolution à partir des données qu'ils ont, une dynamique d'entre deux tours, avec un tas de caractéristiques qui sont tout à fait valables et légitimes. On a eu jusqu'à maintenant le vote honteux pour le FN. On est sorti de ça aujourd'hui. Maintenant est apparu ce que je pourrais appeler l'abstention inavouée. Ça faussera le résultat prévu par les sondages. On serait passé du vote honteux à l'abstention inavouée", avançait-il. 

Pour le chercheur, l'élection de Marine Le Pen n'est plus impossible, mais pas non plus assurée.

"J'avais dit il y a plusieurs mois qu'on était passé de 'impossible' à 'improbable'. Compte tenu des sondages, on est passé de 'improbable' à 'tout à fait possible'. Aujourd'hui, l'élection de Marine Le Pen est 'tout à fait possible', ce qui ne veut pas dire qu'elle sera élue. C'est une possibilité qui est probable", ajoutait Serge Galam.

Charlie Vandekerkhove