Un vote, pour le mariage pour tous, et un mot, «abrutis»

Les Coulisses de la Politique, de Jean-François Achilli, du lundi au vendredi à 7h20 sur RMC - -
Non, plutôt un cri du cœur. Le président de l’Assemblée nationale tentait de retenir les députés UDI qui s’étaient levés comme un seul homme, pour quitter l’hémicycle. Jean-Louis Borloo venait d’interpeller Jean-Marc Ayrault sur le budget européen, les centristes ne voulaient pas entendre à sa place Bernard Cazeneuve le ministre aux affaires européennes. Excitation, fatigue, Claude Bartolone, micro ouvert, a répondu à un nom d’oiseau lancé par un député : « Non mais vous imaginez l’image que cela donne chez tous les Français qui nous regardent ? S’il vous plaît… C’est le gouvernement qui décide du ministre qui répond. Allez, sortez. Abrutis ».
Quelques minutes plus tard, Claude Bartolone, toujours vissé sur son perchoir, interpellé sur son mot, a expliqué qu’il parlait de lui-même, citant Guy de Maupassant: « il demeurait immobile, abruti d'étonnement et de souffrance ».
C’est un conseiller qui lui a soufflé la citation pour le tirer d’affaire ?
Et bien non ! Jean-Luc Porcedo, son directeur de cabinet, a juré qu’il n’y était pour rien et s’est interrogé : mais où est-il allé chercher ça ? L’équipe du patron de l’Assemblée était soufflée, les fonctionnaires du plateau aussi. « C’est un souvenir d’étudiant », m’a confié mardi soir Claude Bartolone, « la phrase m’avait marqué à l’époque, j’étais abasourdi par le spectacle offert par l’opposition après dix jours de débat intense sur le mariage pour tous ». Maupassant, évocation littéraire plutôt chic, après Christiane Taubira citant René Char.
La droite était en colère ?
Non, pas vraiment. Certains criaient ou riaient sur les bancs de l’opposition. Jean-Louis Borloo s’en moquait. Le patron des centristes s’est même trompé en votant « non » au mariage, avant d’expliquer par la suite qu’il voulait en fait voter « oui ».
Et qui ressort vainqueur du vote sur le mariage pour tous ?
Il y a eu quatre gagnants et un perdant, a estimé en fin de journée un responsable socialiste de l’Assemblée. Les gagnants : Christiane Taubira, qui s’est imposée au fil des jours et des nuits comme poids lourd du gouvernement, Claude Bartolone qui a mené vigoureusement les débats, la majorité restée unie autour du texte. Mais aussi – honneur aux vaincus- le tandem Christian Jacob, qui tient enfin ses troupes, et Hervé Mariton, en première ligne.
Et le grand perdant : Jean-Marc Ayrault, qui a choqué les députés PS en taclant il y a dix jours depuis Phnom Penh la ministre de la famille Dominique Bertinotti. Certains socialistes se pinçaient le nez mardi, quand le Premier ministre a félicité ses troupes dans l’hémicycle. Le texte arrive au Sénat pour une éventuelle séance de rattrapage…
Ecoutez ici les Coulisses de la Politique de Jean-François Achilli de ce mercredi 13 février.
Jean-François Achilli|||
Directeur de la Rédaction de RMC et éditorialiste RMC/BFMTV
Il intègre la rédaction de France Inter en 1998, puis le service politique en 2000, dont il prend la direction en septembre 2008. Il rejoint RMC en décembre 2012 comme directeur de la rédaction et éditorialiste RMC/BFMTV.
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