Rapport Jospin : de bonnes idées et de mauvaises intentions

Hervé Gattegno - -
Moderniser la vie politique en améliorant la représentativité de notre système électoral, c’est louable. Mais le résultat n’est qu’une suite d’idées peu originales et sans doute pas efficaces. Les parrainages de citoyens plutôt que les 500 signatures pour la présidentielle, soit – avait-on besoin d’une commission pour ça ? Sur le cumul et la proportionnelle, Lionel Jospin divise par deux les ambitions de François Hollande : il arrive à des propositions médianes qui débouchent sur… des demi-mesures.
Sur la limitation du cumul des mandats, vous trouvez qu’il a tort ou qu’il ne va pas assez loin ?
Lionel Jospin tenait au mandat unique, il s’est censuré à la demande de l’Elysée, qui craignait une fronde des sénateurs : il l’aura quand-même et interdire qu’un parlementaire dirige un exécutif local, ça n’empêche pas réellement le cumul (l’élu pourrait siéger dans une collectivité mais plus la présider). On pourrait aussi considérer que l’électeur est le mieux placé pour dire, par son vote, s’il accepte ou non que son maire soit aussi député. C’est au moins aussi efficace qu’une vraie-fausse interdiction.
N’est-ce pas quand-même une façon d’accélérer le renouvellement de la vie politique ?
Si, mais pas forcément la meilleure puisqu’elle priverait le Parlement d’élus d’expérience sensibilisés aux problèmes locaux (c’est dans ce sens que jouerait l’interdiction du cumul). Pour renouveler, il vaudrait mieux fixer une limite de 2 mandats pour toutes les fonctions ou instaurer la retraite à 67 ans (comme pour les fonctionnaires) pour les élus. Et surtout supprimer un ou des échelons territoriaux et les sièges qui vont avec : la France compte 601 000 élus. Qui peut dire que ce n’est pas trop ?
Le rapport Jospin prévoit aussi l’élection de 10% des députés à la proportionnelle. Vous ne trouvez pas que ce serait un progrès ?
Ça n’a rien d’évident. Les 57 députés en question seraient élus sur des listes nationales présentées par les partis. Donc les candidats seraient choisis en fonction de calculs internes et d’accords d’appareil – ce n’est pas l’assurance de la représentativité. Et on y placerait les glorieux battus des scrutins précédents – une Ségolène Royal, un François Bayrou, une Marine Le Pen… On ne peut pas dire que ce serait un facteur de renouvellement !
Etes-vous aussi contre la suppression de l’immunité présidentielle, qui permettrait de juger un président en exercice ?
Oui. Aucun système d’immunité n’est satisfaisant. Le dispositif actuel est fait pour protéger la fonction et non celui qui l’exerce. Faire du président un justiciable ordinaire – même avec des filtres – ne peut qu’affaiblir l’institution. Le paradoxe, c’est que Lionel Jospin avait tout fait, quand il était Premier ministre, pour empêcher la mise en accusation de Jacques Chirac – au nom de la protection de la fonction. Son slogan de candidat, ensuite, c’était : « présider autrement ». Il faut croire que maintenant, il réfléchit autrement.
Pour écouter le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce vendredi 9 novembre, cliquez ici.