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Politique

Raffarin : « L’Etat est irréprochable »

"L'Etat est irréprochable"

"L'Etat est irréprochable" - -

Régimes spéciaux, pouvoir d’achat, affaire EADS… Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier Ministre et sénateur, croit au renouveau de la France.

J-J B : Dans d’autres pays, la loi des tests ADN est vue comme une aide aux immigrants, est ce que vous faites la même présentation ?
J-P R : Non, je pense vraiment que l’amendement ADN était une erreur. Le Sénat a corrigé la loi car, au fond, la procédure de test ADN ne peut être qu’exceptionnelle. Elle existe déjà dans notre droit français quand on veut rechercher quelqu’un ou quand on veut prouver une certaine filiation. A part ça, on n’a pas accès directement au test ADN. C’est le juge qui détermine si vous y avez accès ou pas. Le Sénat a fait en sorte que pour les immigrés la situation soit la même que pour les français. Il a corrigé ce qui devait être corrigé.

J-J B : Mais à quoi sert franchement ce test ?
J-P R : Franchement, il a une utilité pour un petit nombre de personnes ; ça peut être utile parce qu’il y a des pays où il n’y a pas d’état civil. Quelqu’un qui veut montrer qu’il appartient à la famille pour participer à un regroupement familial a besoin d’une autre preuve quand il n’y a pas de papier d’état civil. Il peut y avoir quelques cas où le test se verra utile, mais en aucune façon on ne peut réduire l’idée de famille au lien biologique. La famille c’est de l’amour, de la responsabilité mais pas seulement de la biologie, et c’est pour cela qu’il fallait corriger les erreurs. C’est une aide aux étrangers n’ayant pas de papier, mais cela doit rester une situation d’exception et non pas une situation qui pourrait devenir habituelle. La famille s’identifie autrement que par la relation biologique.

J-J B : Autre article de cette loi, les sans papiers seront exclus de l’hébergement d’urgence. Vous avez voté ?
J-P R : C’est autre chose ça ! Il est clair que les sans papiers (l’immigration illégale dans notre pays) ne peuvent pas avoir les mêmes droits qu’à l’immigration légale. Il faut donc faire la différence. On veut bien intégrer, être un pays qui sait accueillir, qui donne de la dignité, mais si c’est une immigration légal, d’accord, par contre si c’est illégal, il faut une reconduite à la frontière. Nous voulons une immigration légale et généreuse, et c’est pour cela que celui qui est ç un statut d’immigrant légal, il a droit à des efforts de l’Etat pour l’aider son intégration.

J-J B : Je remarque en ce moment que le Sénat joue pleinement son rôle, corrige les textes votés à l’Assemblée Nationale, pourquoi selon vous ?
J-P R : Parce que le Sénat est une chambre de réflexion, parce que les questions éthiques sont des questions que le Sénat aborde depuis longtemps avec une certaine expérience, une certaine densité. Le Sénat a toujours été le défenseur des libertés publiques. Le Sénat est élu au suffrage indirect, il prend de la distance avec l’émotion et l’évènement, nous ne sommes donc pas une chambre d’humeur mais de réflexion. Aujourd’hui, il est vrai que les sénateurs sont fiers du Sénat.

J-J B : L’Assemblée Nationale est une chambre d’humeur ?
J-P R : De temps en temps, quand on voit un sujet aussi grave qui passe par un amendement parlementaire, qui n’a pas forcément le temps de la discussion, il est clair que l’Assemblée Nationale exprime souvent une émotion quand le Sénat exprime une réflexion.

J-J B : Vous voulez être Président du Sénat ?
J-P R : La présidence n’est pas vacante pour le moment donc on verra ça après les élections municipales.

J-J B : Mais ça vous intéresse ?
J-P R : C’est une chambre qui mérite qu’on s’y intéresse.

J-J B : Etes vous favorable à une dose de proportionnelle à l’Assemblée ou au Sénat ?
J-P R : Je ne suis pas hostile à une dose de proportionnelle, je trouve qu’il faut qu’on en débatte surtout que les parlementaires ne sont pas favorables. Donc la discussion est nécessaire. Je vais être responsable du débat à l’UMP, je veux qu’on ouvre les débats. Je pense que tous ceux qui ont à s’exprimer et qui sont entendus par le pays, devraient s’exprimer plutôt dans le Parlement que dans la rue. Je comprend qu’on ait des positions différentes et c’est pour ça que je souhaite que l’UMP et notre conseil national puissent ouvrir ce débat et qu’on parle librement. Je pense que c’est une réflexion qui mérite d’être aujourd’hui ouverte.

J-J B : Limiter ou interdire le cumul des mandats ?
J-P R : Je pense qu’il faut le limiter. Je pense qu’il est bien dans une démocratie française qui a fait des progrès dans la décentralisation mais qui reste un pays très jacobin, qu’un représentant au Parlement ait en même temps un enracinement local. Un mandat local, un mandat national, ça me paraît efficace comme ça le député ou le sénateur n’est pas éloigné des réalités concrètes. Donc deux mandats mais pas plus.

J-J B : Est ce que les parlementaires doivent réformer leurs régimes spéciaux de retraite ?
J-P R : Bien sûr ! Ils l’ont déjà fait en 2003 pour se mettre au même niveau que les fonctionnaires dans la même situation. Je pense naturellement que les parlementaires doivent évoluer comme évolue notre système général.

J-J B : Interdire par exemple le cumul pour un fonctionnaire de deux retraites ?
J-P R : Il faut la loi générale. Le parlementaire doit être soumis à la loi générale. Il faut aller encore plus loin qu’en 2003, d’autant plus que la loi va être révisée en 2008 ! Il faut que le Parlement évolue comme les autres régimes.

J-J B : Vous avez dit « plutôt que des vieilles gloires, mieux vaudrait accueillir de jeunes talents » …
J-P R : Au fond, ce qui compte aujourd’hui c’est que la politique de Nicolas Sarkozy se déploie avec dynamisme et que des jeunes talents peuvent naître. Je vois au sein du Parti Socialiste des gens intelligents, compétents, une nouvelle génération. Je dis que, tant qu’à faire des gestes d’ouverture, autant qu’on les fasse vers des gens d’avenir.

J-J B : « Quand on évoque le bombardement sur un pays, en gros ça s’appelle la guerre » dit Bernard Kouchner. C’est en réponse à Nicolas Sarkozy ?
J-P R : J’ai beaucoup de considération et d’amitié pour Bernard Kouchner. Il apporte de la fraîcheur à la politique. C’est quelqu’un qui a une dimension humaine très puissante. Il est clair que l’emploi du mot « guerre » n’est pas idéal pour un diplomate puisque au fond toute diplomatie consiste à éviter les guerres. Le diplomate ne doit donc pas employer le mot « guerre » et doit tout faire pour l’éviter. Je pense que sur ce sujet là il faut faire attention à la sémantique.

J-J B : « L’Etat est en faillite » nous dit François Fillon, vous êtes d’accord ? Et qui est responsable de cette faillite ?
J-P R : Je pense que le mot est malheureux et que François Fillon n’aurait pas du l’employer. Ce n’est pas très adroit parce que ça fait penser qu’il laisserait envisager un tour de vis. Le Président de la République a clairement répondu « pas d’austérité » car c’est ce que sous entend le mot « faillite ». Or le pays a aujourd’hui a beaucoup de potentiel. On est en faillite quand on n’a plus de richesse mais ce n’est pas le cas de la France. Il y a des redressements qui sont possibles donc le pays n’est pas en faillite.

J-J B : Mais l’on sait bien que la préoccupation principale est le pouvoir d’achat.
J-P R : Absolument, c’est pour cela que l’on est très satisfait de voir que les heures supplémentaires entrent en application.

J-J B : Vous y croyez ?
J-P R : J’y crois, oui ! Je pense que c’est le point clé. C’est en augmentant la rémunération du travail qu’on va augmenter le pouvoir d’achat. Il n’y a pas d’autre richesse que le travail. Il ne peut pas y avoir augmentation de revenu s’il n’y a pas augmentation de travail pour tous. C’est notre temps d’heures de travail global qui peut financer le revenu. La baisse du chômage, l’attention portée au travail des seniors, l’intégration des jeunes dans le monde du travail, tout ça fait partie des politiques nécessaires pour augmenter le travail, c’est à dire le revenu.

J-J B : Précisément, les chefs d’entreprise qui se battent au quotidien, qui prennent des risques pour sauver leur entreprise, pour aller conquérir des marchés, sont ulcérés quand il regarde ce qu’il s’est passé chez EADS. Alors est ce grave et pourquoi ?
J-P R : Je comprends les chefs d’entreprise sur des sujets comme ça. Un chef d’entreprise qui est vraiment propriétaire de son affaire, c’est sa vie ! Il y a parfois des hauts fonctionnaires nommés dans les entreprises qui eux ne risquent pas leur vie et leur patrimoine. Je pense à plein de gens qui ne sont pas des entrepreneurs, qui sont à la tête d’une entreprise et qui tous les jours sont entre la réussite et l’échec. Quelques fois il y a des fortunes mais ces fortunes sont là parce qu’il y a du mérite et du risque. C’est donc inacceptable que quelques uns fassent parfois fortune sans mérite et sans risque. C’est bien sûre une moralisation générale du capitalisme. Sur EADS, la justice doit faire clarté et démontrer ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. Qu’elle fasse donc son travail et le plus vite possible. Je vois deux sujets importants : Si ces faits sont avérés, la première question est une question industrielle, à savoir est ce que le retard industriel a été caché ou pas ? Cela voudrait dire qu’il y a eu ensuite beaucoup d’erreurs comme, par exemple, avoir vendu avec des délais qui n’étaient pas tenables… La force commerciale ne le savait peut être pas forcément. EADS a donc dû payer des indemnités. Deuxièmement est ce qu’il y a délit d’initié ?

J-J B : Comment peut on dire que l’Etat est irréprochable ?
J-P R : Je pense que l’Etat est irréprochable dans la mesure où il y avait un pacte d’actionnaires qui était clairement explicatif sur ce sujet, l’Etat ne devait pas se mêler des décisions de gestion. De ce point de vue là ça a été respecté d’un bout à l’autre. Ce sont les actionnaires, et non pas l’Etat en tant que tel, qui ont pris les décisions. Ce pacte empêchait l’Etat d’intervenir dans les procédures de gestion donc l’Etat devra démontrer cela,. La commission des Finances du Sénat reçoit Thierry Breton ce matin, en qui j’ai confiance. J’ai envie de savoir si l’Etat est irréprochable mais je le crois très sincèrement. Initialement, il était clairement dit que l’Etat ne devait pas procéder au processus de gestion. Je ne crois pas que l’Etat dans cette affaire ait quelle responsabilité que ce soit. Naturellement c’est à l’enquête et à la Commission des Finances du Sénat d’éclaircir ce sujet et je suis heureux de voir que Thierry Breton, spontanément et dès aujourd'hui, est au Sénat pour expliquer ce qu’a été le rôle de l’Etat.

J-J B : Est ce que vous êtes pour une taxation des stocks options ?
J-P R : Oui, je suis pour une moralisation du capitalisme, pour que les gens qui travaillent et qui prennent des risques gagnent de l’argent qui leur revienne mais qui participe aussi à la solidarité nationale. Je suis pour la taxation.

J-J B : Est ce que vous croyez au financement occulte par le patronat ?
J-P R : La aussi c’est un sujet difficile ! Je ne peux pas avoir un jugement sommaire et primaire parce que je crois vraiment qu’on est en train d’évoluer sur le dialogue social. On est en train d’en faire un dialogue institutionnel puisqu’on en visage même qu’avant toute loi il y ait un dialogue social. S’il y a dialogue social institutionnel, il faudra qu’il y ait un financement institutionnel et un financement transparent. On ne peut pas rester sans transparence sur ce sujet comme sur d’autres d’ailleurs !

La rédaction-Bourdin & Co