Premier test social pour le gouvernement Ayrault

Le nouveau gouvernement de Jean-Marc Ayrault, ici dans les jardins de Matignon, tentera ce mardi d'ouvrir le dialogue avec les partenaires sociaux pour mener à bien d'importantes réformes structurelles sur la durée du quinquennat et répondre rapidement à - -
Le nouveau gouvernement français tentera ce mardi d'ouvrir le dialogue avec les partenaires sociaux pour mener à bien d'importantes réformes structurelles sur la durée du quinquennat et répondre rapidement à deux promesses coûteuses : adoucir la réforme des retraites de 2010 et augmenter le salaire minimum. La quasi stagnation de l'économie limitera la générosité de l'équipe de Jean-Marc Ayrault, consciente du poids de ces gestes sur la compétitivité des entreprises et les finances publiques. Cet agenda ambitieux est déjà perturbé par la crainte d'une vague de plans sociaux, des situations d'urgence qui testent l'engagement du pouvoir à stopper la désindustrialisation et génèrent des tensions entre les syndicats et le patronat.
Syndicats et patronat reçus les uns après les autres
Leurs dirigeants seront reçus les uns après les autres par le Premier ministre, flanqué de Marisol Touraine (Affaires sociales et Santé), Michel Sapin (Travail, Emploi, Formation professionnelle et Dialogue social), Arnaud Montebourg (Redressement productif) et Marylise Lebranchu (Réforme de l'Etat, Décentralisation et Fonction publique). Ces rencontres donneront le coup d'envoi des travaux pour préparer une conférence sociale sur l'emploi, les salaires, les conditions de travail, les retraites et l'égalité salariale, prévue d'ici le 14 juillet si le PS remporte les législatives. Ce gouvernement disposerait alors aussi de l'audit des finances publiques publié fin juin par la Cour des comptes, qui confirmera l'urgence d'enrayer la dérive des comptes sociaux.
La prudence du gouvernement
Face à une croissance nulle ou quasi nulle de l'économie, la nouvelle équipe avance prudemment : la hausse du smic sera limitée et le nombre de personnes qui pourront à nouveau partir en retraite à 60 ans sera contraint, ont dit des ministres. La hausse du smic - premier "coup de pouce" après des revalorisations minimales sous Nicolas Sarkozy - concernera en effet aussi les fonctionnaires, ce qui pèsera sur les comptes publics. Pour les entreprises, elle pèsera sur des marges déjà faibles, et peut - les experts ne sont pas tous formels - pénaliser l'emploi, alors que le chômage augmente depuis onze mois. Le rabotage de la réforme des retraites, alors que la pérennité financière du système n'est pas assurée, se traduira elle aussi par une augmentation du coût du travail, à travers une hausse des cotisations - sachant que la baisse programmée des cotisations qui accompagnait la "TVA sociale" disparaîtrait.
Les demandes des partenaires sociaux
Mardi, "je dirai au Premier ministre que le problème de l'emploi est le plus urgent à traiter", a dit François Chérèque, le numéro un de la CFDT, qui sera reçu le premier à Matignon. Force ouvrière demande elle une nette hausse du smic et un retour large de la possibilité de partir en retraite à 60 ans, des lignes rouges pour les organisations patronales. La CGPME est ainsi "farouchement opposée à toute augmentation des cotisations retraites qui viendrait d'autant renchérir le coût du travail". Quant au Medef, il a promis d'être extrêmement vigilant et alerte les pouvoirs publics sur l'exigence de compétitivité des entreprises françaises. La CGT s'apprête pour sa part à remettre au gouvernement une liste de 46 entreprises ou sites où l'emploi est immédiatement menacé. le syndicat, qui estime à près de 45.000 le nombre d'emplois concernés, demandera par la même occasion le renforcement des droits des salariés.
Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, a déjà commencé une tournée des sites en difficultés, ou promis à la fermeture, pour tenter de sauver le maximum d'emplois. Lors de la campagne présidentielle, il a été l'un des défenseurs les plus ardents du durcissement des conditions de licenciement - avec la promesse d'interdire les "licenciements boursiers" - et de la possibilité d'imposer aux industriels abandonnant un site de le transmettre à un éventuel repreneur. Il devrait présenter ses propositions dans les prochaines semaines.
« Il y a des mesures qui ne coûtent rien »
Dans une interview au JDD, le président du syndicat CFE-CGC, Bernard Van Craeynest, déclare que « le gouvernement n'a pas de marge de manoeuvre ». Une affirmation avec laquelle Jean-François Amadieu, professeur à l'université Panthéon-Sorbonne, spécialiste des relations sociales, n'est pas d'accord. Selon lui, le gouvernement dispose de marge de manoeuvre comme il l'a confié à RMC : « Je pense que le gouvernement dispose de marge de manœuvre. Il y a des mesures qui ne coûtent rien. Tout ce qui relèvera de l’amélioration du dialogue social. Après, sur les questions de salaire, de Smic, ce n’est pas un coût pour le budget de l’Etat. Là on est plutôt dans un coût qui peut peser sur les entreprises. Si les augmentations de salaires sont négociées dans les branches, ce n’est pas l’Etat qui est engagé ».
« La situation économique ne permet plus de marges de manœuvre »
Hubert Landier est spécialiste des relations sociales. Pour lui, c'est l'aspect économique qui freine les marges de manoeuvre du gouvernement : « S’il s’agit de mesures coûteuses, le gouvernement n’a aucune marge de manœuvre. On a toujours considéré en France que le progrès sociale passait par des mesures en terme de pouvoir d’achat ou en terme de baisse de la durée du travail d’une façon ou d’une autre. Aujourd’hui la situation économique ne le permet plus. Ce n’est vraiment pas le moment ».