Pourquoi j'avais envie de croire à l'innocence de Cahuzac

Hervé Gattegno - -
La culpabilité de Jérôme Cahuzac signifie à la fois qu’il a triché et qu’il a menti. Donc c’est une somme de fautes (fiscale, pénale, morale) qu’on peut lui reprocher et qui rejaillissent sur le système politique tout entier. Pour la confiance que les citoyens doivent avoir en ceux qui les dirigent – surtout quand ils leur demandent des sacrifices – il aurait évidemment mieux valu que Jérôme Cahuzac fût innocent. Et puis la déception est à la hauteur de l’admiration qu’il suscitait. C’était un ministre compétent, impressionnant, très au-dessus de la moyenne. On lui prêtait toutes les qualités, y compris la capacité à tenir un discours de vérité – hélas, on avait tort.
Jean-Marc Ayrault lui demande de renoncer à toute fonction politique. C’est forcément la fin de sa carrière ?
Bien sûr. La fraude fiscale est en soi impardonnable, a fortiori pour un ministre du budget. Pour Jérôme Cahuzac, il y a en plus le poids énorme du mensonge – la « trahison » dont parle Jean-Marc Ayrault. Il arrive que des élus qui ont été condamnés retrouvent des fonctions ou des mandats. Ça ne pourra sans doute pas arriver à Jérôme Cahuzac parce qu’il a triché avec le fisc mais plus encore parce qu’il a triché avec la vérité. Au sens propre, il est discrédité. Comme je crois qu’il veut retrouver son honneur, il en tirera les conséquences et renoncera à siéger à l’Assemblée nationale.
Jean-François Copé, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Pascal Durand soupçonnent ouvertement F. Hollande et Jean-Marc Ayrault d’avoir su la vérité bien avant la justice. Est-ce que l’affaire peut ébranler le pouvoir ?
C’est déjà fait. Il y a une suspicion naturelle sur le gouvernement et sur le monde politique. Et puis une suspicion artificielle, attisée à des fins partisanes et au mépris de la simple vraisemblance. Qui peut croire que si François Hollande avait su la vérité, il aurait gardé Jérôme Cahuzac au gouvernement ? En réalité, F. Hollande n’avait aucun moyen de savoir ce que la justice elle-même ignorait – et que d’ailleurs elle ignore toujours. La Suisse va forcément confirmer l’existence du compte. Mais à ce jour, contrairement à ce qu’on entend ici et là, les juges n’ont rien d’autre que les aveux de Jérôme Cahuzac. Le plus plausible – et de loin – c’est que l’Elysée et Matignon en sont au même point.
Il y avait quand-même les articles de Mediapart. Il faut bien reconnaître aujourd’hui que c’est le site d’information qui avait raison. Vous regrettez d’en avoir douté ?
Non. On doit admettre que Mediapart a dit une vérité : Jérôme Cahuzac avait un compte en Suisse. Si on juge au résultat, c’était faire œuvre utile pour la transparence. Si on juge les méthodes, il y a une gêne qui persiste. La prétendue « enquête » de Mediapart n’en est pas une ; le site a publié un dossier livré par un rival politique de Jérôme Cahuzac, sans l’ombre d’une preuve supplémentaire. J’avais dit qu’il y avait, de la part du site, plus d’insinuations que d’investigation. Je retire « insinuation », puisque l’information était vraie. Disons qu’en fait d’investigation, c’était surtout une dénonciation. Jérôme Cahuzac n’a pas honoré la politique, mais je ne suis pas sûr que Mediapart ait vraiment honoré le journalisme.
Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce mercredi 3 avril.