Pour Ayrault, le compte à rebours a commencé

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C’est la leçon évidente de ces dernières semaines : Jean-Marc Ayrault n’est plus l’homme de la situation à Matignon. Il n’a plus les atouts nécessaires : ni popularité, ni autorité sur la majorité, ni même le respect des ministres. Plus personne, chez les socialistes et même à l’Elysée, ne pense qu’il ira au terme du quinquennat. C’était sans doute l’idée de départ de François Hollande - pour ne pas faire la même erreur que Nicolas Sarkozy avec François Fillon. Ce qui a changé, c’est que Jean-Marc Ayrault s’est abîmé plus vite que prévu. Il n’est peut-être pas à bout, mais il sait qu’il n’ira pas au bout.
Pourtant mardi, à l'Assemblée, Jean-Marc Ayrault s'est dit sûr de la confiance de la majorité. Se trompe-t-il ?
Il avait besoin de montrer un peu de vigueur après la sortie de Malek Boutih, qui réclame un changement de gouvernement « en urgence » – et surtout après la réapparition de Manuel Valls, qui parle déjà comme le premier des ministres, sinon comme le Premier ministre. Le problème de Jean-Marc Ayrault, c’est que même ses colères sont froides. Il a dit que « rien ne l’impressionne » ; mais il n’impressionne pas beaucoup non plus - ni par sa politique, ni par ses résultats, ni par son charisme. Il a dit aussi qu’il n’avait « aucun doute » sur le soutien des socialistes et de toute la majorité. S’il le croit, c’est qu’en plus il manque de clairvoyance.
Si François Hollande est décidé à changer de Premier ministre, est-ce qu'il doit le faire rapidement ?
Aucun président n’aime décider sous la contrainte et François Hollande n’aime pas décider du tout ; et puis ce n’est pas son intérêt d’aller vite. Ça le priverait d’un atout dont il aura besoin l’an prochain après la séquence municipales-européennes qui s’annonce difficile. Un président n’a pas 50 façons de reprendre la main : la dissolution serait un suicide pour le PS (pas celui des baleines mais des éléphants) ; un référendum serait vu comme un subterfuge, quel que soit le sujet. Il reste le changement de Premier ministre. On peut penser que Jean-Marc Ayrault passera l’hiver. Mais sans doute pas l’hiver 2014.
Manuel Valls est le politique préféré des Français mais vous nous avez dit mardi qu'il n'était pas forcément le mieux placé pour succéder à Jean-Marc Ayrault. François Hollande aura-t-il le choix ?
C’est le président qui choisit - et pas seulement sur des critères politiques. Cela dit, pour qu’un changement de Premier ministre ait un impact et une utilité, il faut qu’il ait un sens ; qu’il marque une réorientation, pour ne pas dire un tournant politique. C’est pour cela qu’on cite toujours à peu près les mêmes noms : Manuel Valls, Martine Aubry, Claude Bartolone, voire Arnaud Montebourg - ils incarnent des lignes différentes mais identifiables. A contrario, Jean-Marc Ayrault, lui, est l’incarnation d’un non choix politique. Son successeur devra personnifier un choix clair. C’est une raison de plus pour que François Hollande n’ait pas envie de se dépêcher.