Le mille-feuille administratif, l'oublié de la mission Jospin

Remise du rapport Jospin - -
601.000 élus. 37.000 communes (quatre fois plus qu'en Allemagne et en Italie), environ 35.000 groupements de communes -"communautés de communes" le plus souvent-, 101 départements et 26 régions, 371 "pays" en milieu rural, mais aussi 16.000 syndicats intercommunaux, souvent spécialisés (eau potable, ordures ménagères, etc ). De la mission Jospin, les observateurs de la vie publique attendaient au moins une recommandation pour alléger la hiérarchie des collectivités locales. En supprimant par exemple le département ou l'intercommunalité.
Sur cette question, on aura un silence. Peut-être un silence de circonstance puisque c'est Lionel Jospin qui a ajouté la toute dernière couche du fameux "mille-feuille". Son gouvernement a créé en 1999 la loi Chevènement dite de "l'intercommunalité".
Le gaspillage de l'intercommunalité
Créés au départ dans un souci d'économie d'échelle, les "intercos" devaient permettre aux communes de mutualiser des compétences et donc d'économiser du personnel. Des efforts de rationalisation ont certes été entrepris. Dans les faits, critiquait le rapport Balladur, cela a "accentué l'enchevêtrement des compétences".
Le député de gauche René Dosière est aussi très critique : "La 'révolution' de l'intercommunalité a généré une incroyable explosion salariale. 111.000 postes ont ainsi été créés entre 1998 et 2008.
Les communes devaient se dépouiller d'une partie de leurs effectifs. Elles ont continué à recruter massivement. 128 000 emplois nouveaux au cours de cette même période. "Comme l'État n'a transféré aucune compétence nouvelle au bloc communal, ce sont bien les dépenses locales de personnel qui ont augmenté de 13 milliards d'euros, soit + 55 %", déplore l'élu de l'Aisne. A noter que les fonctions intercommunales ne sont pas prises en compte dans le cumul des mandats et ne sont toujours pas électives au suffrage universel. Un silence de plus dans la mission Jospin.
Pas de révolution en vue pour Hollande
Pas question pour François Hollande de remettre en cause le système. Le 5 octobre dernier, il a présenté les grandes lignes de la réforme des collectivités territoriales qui sera l'objet, début 2013, d'une loi de décentralisation.
Le chef de l'Etat préfère clarifier les rôles de chaque strate administrative plutôt que supprimer une de ces strates. "Ce n'est pas un problème de couches dans le mille-feuille, mais de qualité de la crème qui se trouve à l'intérieur" a ajouté, finaude, Marylise Lebranchu, ministre de la Fonction publique. "A partir du moment où on sait qui agit, on sait à quoi sont affectés les impôts des Français".
Alors que depuis la commission Attali en 2008, la suppression d'un échelon, en l'occurrence le département, était en discussion, François Hollande semble avoir tranché. Pourtant si on en croit l'Express du 18 janvier dernier, le candidat Hollande pensait à supprimer les départements. Le nouveau Président a-t-il changé d'avis ? A-t-il atteint les limites d'une réforme territoriale en préconisant le non cumul des mandats au risque de s'aliéner ses propres troupes? >> Région, département, qui fait quoi ? La réponse en infographie
Hervé Gattegno, éditorialiste au Point espérait autre chose de la mission Jospin, "pour renouveler, il faut surtout supprimer un ou des échelons territoriaux et les sièges qui vont avec : la France compte 601.000 élus. Qui peut dire que ce n'est pas trop ?" Les sondages commandés par le Cri du Contribuable au CSA fin octobre 2012 vont dans ce sens.
En effet, près de huit Français sur dix (78%) jugent que le nombre d’élus en France est excessif, contre seulement 1% l’estimant insuffisant et 11% justifié. Près de sept personnes interrogées sur dix (69%) estiment qu’il est nécessaire de supprimer un des niveaux politiques et administratifs pour rétablir les finances publiques, 38% le jugeant même "tout à fait" nécessaire.
René Dosière propose, lui, de fusionner les échelons communal et intercommunal, en soumettant l’exécutif intercommunal au vote direct des citoyens, un gain potentiel selon l'élu de 15 milliards d'euros par an. Il reste certain que des économies doivent être trouvées puisque les collectivités locales recevront 750 millions d'euros de dotations de l'État en moins en 2014 et en 2015. S'ajoutent le manque de rentrées fiscales liées à la crise et l'étranglement financier de certaines collectivités suite aux emprunts toxiques de Dexia. La crème du mille-feuille risque de mal tourner.
|||69% des Français favorables à la suppression d'un échelon