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Vers une marche arrière sur les ZFE? De nombreux élus en colère, le gouvernement arrondit les angles

Un panneau indiquant l'entrée dans une zone à faibles émission à Rouen en septembre 2022

Un panneau indiquant l'entrée dans une zone à faibles émission à Rouen en septembre 2022 - BFM Normandie

Une partie de l'hémicycle devrait à nouveau tenter ce mercredi 9 avril de supprimer les Zones à faibles émissions (ZFE) qui restreignent la circulation des véhicules les plus polluants dans la plupart des grandes métropoles. Mais le gouvernement veut les convaincre de faire marche arrière en promettant d'assouplir le dispositif.

Haro sur les Zones à faible émission (ZFE). Ce dispositif, qui interdit l'accès à plusieurs grandes villes aux véhicules les plus polluants, devrait se retrouver de nouveau sur la sellette ce mercredi 9 avril à l'Assemblée nationale. Déjà supprimées le 26 mars dernier lors de la commission spéciale chargée du projet de loi simplification de la vie économique contre l'avis du gouvernement, elles pourraient subir le même sort dans l'hémicycle.

Les ZFE ne peuvent "qu'entraîner que la colère sociale, la fracture territoriale et le suicide économique", avait jugé le président des députés Les Républicains (LR) Laurent Wauquiez dans les colonnes du Journal du dimanche (JDD) en mars.

"Les plus pauvres qui en sont les victimes"

Initiées en 2019 par la loi d'orientation sur les mobilités et étendues en 2021, les ZFE ont pour but d'améliorer la qualité de l'air alors même que la pollution atmosphérique tue près de 40.000 personnes tous les ans en France.

Mais une partie de la classe politique les considèrent comme une bombe sociale en pénalisant les Français qui n'ont pas les moyens de changer de véhicule. Le Premier ministre François Bayrou a par exemple évoqué "sa grande émotion" auprès du Figaro en février liée à ce dispositif qui fait que "ce sont les plus pauvres, ceux qui n'ont pas les moyens, qui habitent loin qui en sont victimes".

Interdiction des modèles les plus dangereux pour la santé

De quoi donc pousser la droite et le RN à supprimer les ZFE lors de débats en commission, avec l'apport de voix de quelques députés Renaissance et des élus LIOT.

"Acceter les ZFE, c'est accepter des mesures d'écologie punitive et antisociale", avait encore avancé le président du RN Jordan Bardella dans un vidéo TikTok en janvier dernier.

Depuis le 1er janvier 2025, aucune automobile d'un particulier qui roule au diesel immatriculée avant 2011 ou à l'essence avant 2006 - correspondant à la vignette Crit'Air 3 - ne peuvent plus circuler à Paris, Lyon, Grenoble et Montpellier. Ce sont en effet ces modèles qui sont jugés le plus émetteurs de particules fines, particulièrement dangereuses pour la santé.

Des restrictions limitées dans la plupart des agglomérations

Mais les autres agglomérations concernées comme Strasbourg, Aix-en Provence-Marseille, Dijon ou Rennes appliquent des restrictions moins importantes. Seules les voitures de particuliers immatriculées avant le 31 décembre 1996, les utilitaires immatriculés avant le 30 septembre 1997 et les poids lourds immatriculés avant le 30 septembre 200 sont concernés dans ces métropoles.

Les députés avaient en effet estimé en 2019 que le taux de particules dans l'air n'était pas assez souvent au-dessus des normes fixés par l'Organisation mondiale de la santé dans leur cas pour aller aussi loin qu'à Paris ou Lyon.

Au-delà des considérations sur la santé, la fin des ZFE aurait également des conséquences sur les finances de l'État. La France va en effet recevoir rien que pour l'année 2025 3,3 milliards d'euros de subventions européennes pour la mise en place de ce dispositif.

Le risque de devoir rembourser des subventions européennes

En tout, l'UE devrait verser 40.3 milliards d'euros pour permettre d'accompagner cette transition en France. Mais selon une note du Trésor citée par le média Contexte, la suppression des ZFE pourrait "remettre en cause les subventions déjà obtenues" et pousser Bruxelles à demander "un remboursement pouvant aller jusqu'à un milliard d'euros".

Dans un contexte de finances publiques très tendu, la nouvelle aurait tout d'une catastrophe. De quoi pousser le gouvernement à vouloir les maintenir tout en assouplissant le dispositif.

"Je présenterai un amendement pour clarifier les choses et dire de manière très claire : les deux seules agglomérations concernées par des restrictions de circulation pour les véhicules Crit Air 3 sont celles de Paris et Lyon", a tenté de convaincre la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher sur BFMTV ce mardi.

"Liberté aux communes"

En proie à une pollution de l'air particulièrement et régulièrement élevée, Paris et Lyon sont les deux seules agglomérations actuellement contraintes par l'État de prendre des mesures d'interdiction de circulation, ce qui n'a pas empêché Montpellier et Grenoble de s'emparer dans la mesure.

"Nous voulons ensuite laisser la liberté aux communes de mettre en place les dispositifs qu'elles souhaitent pour la qualité de l'air", a encore insisté Agnès Pannier-Runacher, manifestement soucieuse de sauver les ZFE tout en arrondissant les angles.

Les propos de la ministre n'ont cependant rien de nouveau: les collectivités gardent déjà la main sur les éventuels dérogations et contrôles qu'elles souhaiteraient mettre en place.

Ainsi, dans l'agglomération parisienne, l'interdiction de circulation des véhicules Crit'Air 3 ne s'applique pas le week-end et les jours fériés. À Lyon, des dérogations existent par exemple pour les travailleurs en horaires décalées.

Une mesure efficace

Par ailleurs, la plupart des communes qui appliquent les ZFE ne font pas encore de contrôle, à l'instar de la métropole de Montpellier. Elle a récemment décidé de prolonger "la période pédagogique" pour expliquer les nouvelles règles aux automobilistes et ne va verbaliser les automobilistes en infraction qu'en 2027.

Quant aux communes qui ne dépassent pas les seuils réglementaires de qualité de l'air, Agnès Pannier-Runacher devrait rappeler qu'elles ne sont déjà pas concernées. C'est par exemple le cas du Mans et de Saint-Nazaire.

Le continent européen compte au moins 325 zones limitant le trafic automobile, de Milan (Italie) à Londres (Royaume-Uni) en passant par Varsovie (Pologne), permettant une amélioration de la qualité de l'air.

Londres indique ainsi avoir considérablement amélioré la qualité de l'air. Dans le Grand Paris, la mise en place des premières étapes de la ZFE a déjà contribué à faire baisser les émissions, note l'association Airparif.

Marie-Pierre Bourgeois