Pourquoi la menace de Macron de dissoudre l'Assemblée nationale n'en est plus une

C'est une menace brandie à plusieurs reprises par Emmanuel Macron depuis le début de son second quinquennat: la dissolution de l'Assemblée nationale. Un pouvoir qui lui est octroyé par la Constitution et auquel certains de ses prédécesseurs (Charles de Gaulle, François Mitterrand et Jacques Chirac) ont eu recours.
Dans l'hypothèse de l'adoption d'une motion de censure sur la réforme des retraites, "je dissous tout de suite", disait le président de la République à l'automne 2022, avant même que le texte soit présenté par le gouvernement en janvier. Puis, le chef de l'État avait de nouveau évoqué cette possibilité le 15 mars dernier, à la veille d'un éventuel vote des députés en seconde lecture sur ce projet de loi.
Une option qui n'aurait jamais profité à l'exécutif
A chaque fois, Emmanuel Macron visait le parti Les Républicains (LR), qui, faute d'unité au sein de ses troupes, n'a jamais pu garantir son soutien à l'exécutif sur la réforme.
Objectif: mettre directement la pression sur les élus de droite qui pourraient s'inquiéter pour leur avenir en cas de nouvelles élections législatives et, dans le second cas, convaincre ceux qui hésitent encore à soutenir le texte. Raté. Devant le brouillard, le gouvernement n'a pris aucun risque en choisissant d'utiliser le 49.3, plutôt que de soumettre son projet au vote des députés.
Sur le fond, le scénario d'une dissolution n'a jamais paru crédible, tant le pouvoir pouvait perdre des plumes après une réforme dont l'impopularité a rapidement été constatée. Une fois le 49.3 dégainé, Emmanuel Macron a d'ailleurs exclu cette hypothèse, au même titre qu'un éventuel remaniement du gouvernement ou l'organisation d'un référendum.
Une centaine de sièges perdus en cas d'élections législatives
Et les sondages publiés dernièrement montrent bien que le camp présidentiel s'exposerait à un grand risque en cas de dissolution. Selon celui réalisé par Elabe pour BFMTV, le Rassemblement national serait le grand gagnant d'une telle hypothèse. En cas de nouvelles élections législatives, le parti à la flamme gagnerait ainsi 150 à 175 sièges, soit bien plus que le nombre de députés (89) dont il dispose actuellement.
A l'inverse, ce serait une véritable bérézina pour la majorité. Déjà relative (250 députés), elle verrait ses effectifs s'amincir assez largement (130 à 155 sièges). La Nupes, qui dispose aujourd'hui de 149 élus, se stabiliserait ou se renforcerait (150 à 180 députés), selon les projections.
Pour Emmanuel Macron "qui s'est employé depuis 6 ans à faire imploser le paysage politique et à s'imposer comme le bloc central", le pari "n'est réussi qu'à moitié", selon Matthieu Croissandeau, éditorialiste politique sur BFMTV.
"Certes, il a fait imploser le pays, avec désormais trois blocs, mais son bloc est minoritaire".
Après "une crise majeure", les dynamiques électorales "perdurent"
La preuve, s'il en fallait une: Marine Le Pen le devancerait largement (55%) au second tour, si la présidentielle de 2022 avait lieu aujourd'hui. Lors de celle-ci, le président avait devancé assez facilement la cheffe des députés RN avec 58,55% des suffrages, contre 41,45% pour son adversaire.
Certes, ce sondage n'est qu'une photo et rien ne dit aujourd'hui que l'extrême droite entrera à l'Élysée en 2027. Pour autant, "lorsqu’une crise majeure secoue le pays et que des dynamiques électorales s’observent à cette occasion, celles-ci perdurent, voire s’amplifient, et se retranscrivent dans les urnes lors des scrutins suivants", souligne la fondation Jean Jaurès, en s'appuyant sur l'exemple des élections européennes de 2019, précédées par le mouvement des gilets jaunes.