"Pour la protection de l'enfance": les sénateurs débattent de l'interdiction de la corrida pour les mineurs

Une corrida dans les arènes de Nîmes en avril 2021 - SYLVAIN THOMAS / AFP
D'un côté les défenseurs de la protection de l'enfance qui veulent épargner aux plus jeunes des scènes "traumatisantes". De l'autre, les défenseurs de la tradition locale qui s'inquiètent de "la mort" de la tauromachie en France.
Les sénateurs se penchent ce jeudi 14 novembre en fin de journée dans l'hémicycle sur une proposition de loi déposée par la sénatrice macroniste Samantha Cazebonne qui vise à interdire les spectacles de corrida en présence de mineurs de moins de 16 ans.
Une pratique autorisée dans seulement 8 pays
Cosignée par des sénateurs LR, écologistes, centristes et socialistes, ce texte vise à "protéger les enfants en évitant de les exposer à la violence".
Si la corrida est officiellement interdite en France, considérée dans la loi comme "un acte de cruauté envers l'animal", une dérogation existe depuis 1951 lorsqu'une "tradition locale ininterrompue peut être invoquée".
La France, où les corridas se déroulent seulement dans le sud, à Bayonne, Mont-de-Marsan, Nîmes, Arles ou Béziers, est l'un des huit pays du monde où ce spectacle est encore organisé. La Colombie a prévu son interdiction en 2027.
Échec pour interdire la corrida en 2022
La plupart des pays où la corrida est légale autorisent la présence des mineurs, qui doivent parfois être accompagnés d'adultes. Il existe quelques interdictions, comme dans la région espagnole de Galice pour les enfants de moins de 12 ans et dans certaines arènes vénézuéliennes.
Ce n'est pas la première fois que ce sujet s'impose dans l'agenda du Parlement. La sénatrice écologiste Raymonde Poncet avait déposé un texte relativement proche en 2023 sans que le texte n'arrive en débat en séance.
En 2022, le député Aymeric Caron qui siège avec les insoumis avait, lui, tenté de "faire abolir la corrida", avant de retirer son texte en plein débat, en dénonçant "l'obstruction" de certains députés.
"Une attaque sans précédent" contre la tauromachie
À l'époque, des élus de droite et d'extrême droite avaient déposé plusieurs centaines d'amendements pour faire traîner les débats. Cette année encore, les soutiens à la corrida se sont mobilisés, à commencer par l'Union des villes taurines de France.
Cette association, qui réunit des élus de territoire où la tauromachie est autorisée, a dénoncé "une attaque sans précédent".
"Comprendre la corrida, c'est d'abord respecter et comprendre le taureau", peut-on lire sur le site de l'organisation qui voit dans la tauromachie une réponse "à une société erratique en quête de repères".
Ne pas "initier les enfants à la pratique d'un délit"
Les opposants à la corrida ont eux aussi saisi occasion pour chercher à sensibiliser aux "dangers" de ces spectacles pour les mineurs.
"Permettre à un enfant d'assister à une corrida, c'est l'initier à la pratique d'un délit", s'indignent par ailleurs plus d'une centaine d'élus locaux et de parlementaires ans une tribune du Midi Libre.
Ancienne députée des Français d'Espagne et du Portugal, la sénatrice macroniste Samantha Cazebonne entend de son côté "aller jusqu'au bout" pour faire adopter son texte.
Un texte qui a peu de chances d'être adopté
Jusqu'ici, le camp présidentiel a toujours été profondément divisé sur le sujet de l'interdiction de la corrida. Lors des débats pour mettre fin à la pratique sous l'égide d'Aymeric Caron, Renaissance avait choisi de laisser la liberté de vote à ses députés.
Aurore Bergé, alors présidente de groupe, avait pourtant signé quelques mois plus tôt une tribune pour mettre fin à cette pratique. Patrick Vignal, alors député Renaissance, avait de son côté défilé aux côtés d'élus RN en 2022 pour défendre la corrida, suscitant la colère d'une partie de ses collègues.
Le président des sénateurs macronistes François Patriat, lui, n'a signé la proposition de loi étudiée ce jeudi au Sénat. Il faut dire que la mesure n'a guère de chance d'être adoptée par la chambre haute, largement à droite.
Cette proposition "bafoue les libertés locales, nie le rôle des parents dans l'éducation des enfants et veut les empêcher de leur transmettre une culture et une identité", a résumé le sénateur LR Max Brisson sur X.