Pas de président, "travail d'amateur"... Laurent Wauquiez s'embourbe avec la commission d'enquête sur les liens entre partis et islamisme

Le patron des députés LR, Laurent Wauquiez, à l'Assemblée nationale le 22 janvier 2025 - Thibaud MORITZ / AFP
La manœuvre lancée par Laurent Wauquiez pour cibler La France insoumise serait-elle maudite? Presque six mois après l'annonce de la création d'une commission d'enquête sur des supposés liens entre des "mouvements politiques" et "des réseaux islamistes", elle n'a toujours pas vu le jour.
"On n'est aidé par personne sur ce dossier", se plaint un député LR auprès de BFMTV. "On est en plein dans la magouille", répond de son côté le député apparenté Aymeric Caron, seul candidat déclaré pour ce poste.
Pas de fleur pour Laurent Wauquiez
Les choses devaient pourtant atterrir ce mardi 30 septembre l'Assemblée nationale pour le retour des députés. Les membres de la commission des Lois devaient même élire le président de la commission d'enquête. Las, déjà prévue en juin et reportée donc à la rentrée, l'élection du numéro un de cet organe n'a encore pas eu lieu. Et pour cause: pas grand-monde ne se presse au portillon.
Sur le papier, les règles sont pourtant claires. La présidence d'une commission d'enquête doit obligatoirement revenir à un groupe d'opposition à l'Assemblée nationale. Elle ne peut donc échoir à un membre du "socle commun", à savoir la macronie et LR.
Mais ni le Rassemblement national ni les députés d'Éric Ciotti, qui siègent dans le groupe Union des droites (UDR), ne veulent manifestement mouiller la chemise pour Laurent Wauquiez.
"C'est une commission d'enquête pour servir ses intérêts électoraux. Je ne vois pas très bien pourquoi on participerait à cela", s'agace la députée UDR Hanane Mansouri.
Une commission anti-LFI dirigée par un député LFI
Quant aux socialistes, aux écologistes et aux communistes, les volontaires ne sont guère plus nombreux. La députée socialiste Sophie Pantel, avait certes un temps accepté la présidence de la commission, avant de finalement en démissionner dans la foulée le 2 juillet dernier. Pour l'instant, seul Aymeric Caron, membre du groupe des députés LFI, est intéressé pour en prendre la tête. Autrement dit, la présidence d'une commission anti-LFI pourrait donc revenir à un élu apparenté LFI.
Il n'en est pas question pour la droite, qui a donc de nouveau reporté le vote ce mardi. Mais a-t-elle vraiment le choix? Début juillet, les députés LR avaient déjà demandé à repousser l'élection du président. La raison officielle était alors le suicide de leur collègue Olivier Marleix qui avait suscité une vague d'émotion dans l'hémicycle.
Après ce retard, Laurent Wauquiez s'était alors donné l'été pour trouver un plan d'attaque et parvenir à dégoter un député volontaire. Manifestement, ces derniers mois n'ont pas suffi. Dans le camp des LR, on assume ce contretemps.
"Il y a quelque chose d'absurde d'avoir un LFI comme Monsieur Caron qui présiderait une commission qui irait potentiellement regarder les liens de son mouvement avec des réseaux islamistes", explique ainsi le député LR, Vincent Jeanbrun, rapporteur de la commission d'enquête.
Les députés LIOT, dernière chance
Le calendrier n'a probablement pas non plus aidé la droite alors que plusieurs poste-clefs sont remis en jeu à l'Assemblée nationale. L'atmosphère pousse plutôt aux alliances entre les différentes groupes politiqus et aux coups de billard à 3 bandes qu'à se mettre d'accord autour de la table.
Pour sortir de l'ornière, la droite misait ces dernières semaines sur les députés LIOT, ce petit groupe de députés hétéroclites composés d'anciens macronistes, d'élus ultra-marins et d'ex-socialistes. Seul Paul Molac, membre de la commission des lois et appartenant aux LIOT, aurait pu cocher les cases et devenir président de la commission d'enquête. Mais le député, indépendantiste breton revendiqué, ne le souhaite pas.
Dernier espoir des LR pour éviter Aymeric Caron: qu'un autre député LIOT rejoigne la commission des lois et soit partant.
"Pas de cadeau"
Sur le papier, cela semble très peu probable, d'autant moins que les députés de Laurent Wauquiez ont promis de faire la peau à Charles de Courson, lui aussi élu LIOT, devenu la bête noire de la droite depuis qu'il est rapporteur du budget.
"Si nous ne gardons pas ce poste, nous n'allons pas faire de cadeau aux LR", résume le député Harold Huwart, porte-parole du groupe.
"C'est quand même très peu probable que la présidence revienne à la fin à quelqu'un de notre groupe, d'autant plus que cela impliquerait un jeu de chaises musicales entre les commissions", juge encore cet élu LIOT.
"On ne fera pas l'erreur de s'acoquiner avec Laurent Wauquiez", promet de son côté son collège Stéphane Lenormand.
Du côté des insoumis, on se félicite d'avoir toutes les chances d'obtenir cette présidence. Les élus LR ont "peut-être peur" qu'en prenant la présidence de cette commission, "nous allions chercher les liens avec le terrorisme" du côté de l'extrême droite et de la droite, a ainsi expliqué la présidente des députés LFI Mathilde Panot ce mardi matin lors d'une conférence de presse.
Agacement à droite
Cette commission d'enquête finira-t-elle vraiment par voir le jour? Depuis le départ, le dispositif a du plomb dans l'aile. Une première demande de création de cette commission avait d'abord été jugée irrecevable par l'Assemblée car elle visait explicitement La France insoumise dans sa proposition de résolution.
Le groupe de Laurent Wauquiez était alors revenu à la charge, avec une nouvelle proposition ciblant, plus largement, les mouvements politiques. Depuis, il ne restait plus qu'à nommer un président, ce qui devrait bien être finalement le cas en début de semaine prochaine, assure désormais un collaborateur du groupe LR.
Déjà affaibli par la victoire de Bruno Retailleau à la présidence des LR en mai dernier, celui qui s'imagine toujours bien candidat à la présidentielle en 2027 n'a en tout cas pas redorer son blason, y compris en interne.
"Du départ à la fin, tout a été mal pensé, mal fait. C'est un travail d'amateur. On passe vraiment pour des idiots", regrette un député de droite, peu fan de Laurent Wauquiez.
Sera-t-il vraiment détrompé par les résultats de la commission d'enquête? La commission devra en tout cas avoir rendu ses conclusions début décembre.